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Diego Rivera et le Muralisme Mexicain

 

1957-67El Porfirismo y la Revolución mexicana Museo Nacion

1910 - 2010 : il y a cent ans éclatait la révolution mexicaine, plus de dix ans d'affrontements sanglants, de chaos et destructions, d'espoirs et attentes, avec au terme une constitution, des droits pour tous, une voie vers la justice sociale, l'ouverture aux temps modernes...Les artistes y crurent, s'y engagèrent, s'en firent les héraults. Ils régènérèrent l'Art au Mexique jusqu'alors  conforme aux normes académiquesFrida Khalo, peintre inclassable, fut une de leurs égérie et épousa le plus connu et reconnu Diego Rivera. C'est l'évocation de cette formidable aventure artistique, politique et humaine que je propose ici à partir de ma dernière conférence en atelier . Un petit siècle a suffi pour que l'utopie se pulvérise au Mexique comme ailleurs mais au contact des oeuvres comment ne pas retrouver l'illusion de ceux qui portaient en eux l'espérance d'un monde meilleur?

L'ART REVOLUTIONNAIRE MEXICAIN

Le Mexique est à feu et à sang dans les mêmes années où les Bolchéviks prennent le pouvoir en Russie lors de la Révolution d’Octobre de 1917. Au cri de « Tierra y Libertad » les révolutionnaires mexicains prennent les armes conduits au Nord par Francisco Villa et au Sud par Emiliano Zapata. En Russie le gouvernement des Soviets s’organise autour de Lénine cependant qu’à ses côtés Trosky élabore la Théorie de la Révolution Permanente. Au Mexique la  révolution en tant que lutte armée ne s’achèvera que par l’assassinat de ceux qui la conduisirent, en 1919 Zapata et en 1923 Villa. Mais, outre les nouvelles institutions et les réformes qui vont faire entrer le Mexique dans le XX° siècle, la Révolution est à l’origine de la renaissance de l’Art Mexicain incarnée par quatre artistes :

José Guadalupe POSADA (1852- 1913)

José Clemente OROZCO (1883-1949)

Diego Maria RIVERA (1886-1957)

David Alfaro SIQUEIROS (1896- 1976) 

Le premier se consacre à la gravure. Les trois derniers abandonnent la peinture de chevalet pour entreprendre de grandes compositions murales. Le MURALISME ouvre la voie à un art « public », hors musées et galeries, monumental et innovateur, basé sur l’idéologie marxiste de révolution sociale et qui renoue aussi avec l’histoire nationale et la culture indigène.

Tous seront témoins de leur temps :

POSADA dénoncera la dictature de Profirio Diaz 1876-1911

OROZCO-RIVERA-siqueiros témoigneront de la  Révolution Mexicaine 1911-1924

Tous seront mémoire du passé et reprendront dans leurs œuvres symboles et mythes hérités des civilisations mayas, toltèques, aztèques.

Les trois muralistes proposeront un avenir au Mexique par:

  • La réhabilitation de l’Indien
  • La prise de conscience de l’identité mexicaine
  • Le triomphe de la révolution sociale et du progrès.

Les caractéristiques de l’Art Révolutionnaire Mexicain ont été définies par les artistes eux-mêmes dans leur Manifeste. Leur art s’adresse aux classes opprimées et doit s’intégrer à la lutte politique. Il s’inspire des valeurs indigènes et nationales ripostant ainsi à 4 siècles de colonisation. L’Art Révolutionnaire Mexicain se veut Art collectif et monumental grâce aux techniques et peintures entrant dans la composition des fresques et se définit comme étant porteur d’une idéologie libératrice et salvatrice pour le peuple mexicain.

POSADA

               Auteur de plus de 15 000 gravures satiriques, proches des réalités mexicaines et de luttes révolutionnaires. Posada fut emprisonné à plusieurs reprises. Ses figures caricaturales de crânes et squelettes, « calaveras » issues de la tradition sont de véritables manifestes politiques. Son engagement  auprès du peuple a servi d’exemple aux muralistes mexicains.

posada-revolution - copie

OROZCO

               La fréquentation de l’atelier de POSADA fit naître chez OROZCO la passion du dessin. Il commença par dessiner des caricatures et découvrit en faisant ses études  artistiques l’art du dessin des maîtres italiens. Ses voyages aux Etats-Unis et en Europe l’ouvrirent à l’architecture. Les commandes officielles du gouvernement mexicain et celles du Musée d’Art Moderne de New-york  lui permirent la réalisation de fresques monumentales véritables prouesses techniques. Ce muraliste marqué par un esthéticisme dramatique fait de son oeuvre sous-tendue par sa « mexicanité »  un manifeste dénonçant l’oppression et revendiquant la lutte révolutionnaire .

Orozco 1937 Pancho Villa 69x52 MEXICO

 

SIQUEIROS

               Il entre très jeune à l’académie des Beaux-Arts qu’il quitte pour s’enrôler dans les troupes révolutionnaires. En 1919 à Paris il rencontre Rivera et devient son ami. De retour au Mexique il peint ses premières fresques et  organise le Syndicat des Peintres, Sculpteurs et Graveurs révolutionnaires mexicains (1923) .De 1927 à 1930 il voyage en URSS, en Argentine et Uruguay. A son retour il est emprisonné. En 1933 il va aux Etats-Unis et en Argentine . En 1936 il se porte volontaire auprès des républicains espagnols. De retour au Mexique en 1939 il réalise sa fresque « Procès du fascisme » puis est exilé (Chili, Pérou, Colombie, Equateur, Cuba). De retour à Mexico en 1944 il fonde le Centre d’ArtRéaliste Moderne. En 1960 il retourne en prison et est amnistié 4 ans plus tard par le Président López Mateos. En 1972 il inaugure le Polyforum Culturel, dernier avatar du muralisme mexicain. 

Madre Campesina

RIVERA

 Dès son plus jeune âge, Diego Rivera Barrientos se révèle très doué pour le dessin. Jeune étudiant, une bourse du Secrétariat de l'Instruction Publique lui permet de poursuivre ses études et achever sa formation en Europe. Il y reste 15 ans. En Italie, il découvre Giotto, précurseur de la Renaissance italienne. Ses fresques et ses peintures murales le  marquent profondément. En 1907, il visite l'Espagne. Mais le cœur du renouveau artistique se situe à Paris. Là, il fait la connaissance des figures de Montmartre et de Saint-Germain-des-Prés et adhère à la "Société des Artistes Indépendants", ce qui lui permet d'exposer son travail ( portraits cubistes, paysages impressionnistes...) .  

Un peu plus tard, il commence à fréquenter le "Cercle des Cubistes" dans le Montparnasse du début des années folles. Sa peinture s'apparente alors à celle de Miró, de Picasso et surtout de Juan Grís. La révolution qui secoue son pays lui inspire des peintures comme  en 1915 « Paysage Zapatiste ». Ce cubisme n'est pour lui qu'une "syntaxe" à travers laquelle il exprime sa modernité.

Rivera 1915 paisaje zapatista 145x125Musée National Des Beaux-Art

De retour au Mexique en 1921 il délaisse l'Avant-garde abstraite en vogue à Paris pour se consacrer à son propre pays. Entre son engagement politique et ses aspirations artistiques, il va tenter de faire renaître un art et une peinture typiquement "mexicains". Pour cela, il va cherchant son inspiration dans le monde qui l'entoure, la vie quotidienne, l'histoire de son pays, ses coutumes et ce goût prononcé pour le morbide et la mort.... Il reprend la technique, chère aux précolombiens, de la fresque, faite à la détrempe. A partir de 1922 et durant plus de dix ans il réalise avec cette technique les fresques de lieux officiels . Rivera y retrace l’histoire du Mexique, la colonisation et l’esclavage, les guerres d’Indépendance, les héros de la Révolution, des scènes de genre…

Enthousiasmé par l'expérience soviétique qui représente un immense espoir pour beaucoup de jeune intellectuels de sa génération, il se rend en Union Soviétique. En 1929, au cours d'un débat politique dans la capitale mexicaine, il rencontre Frida Kahlo. C'est le coup de foudre. Diego Rivera, qui a vingt ans de plus qu'elle, est l’artiste reconnu qui œuvre par son travail à la propagation des idées révolutionnaires au sein d’une population largement illettrée. Le 21 août de l'année suivante, Diego et Frida se marient.

Rivera 1928 danza tehuana

EN 1931 il devient le deuxième artiste - après Matisse - à faire l'objet d'une rétrospective au Museum of Modern Art de Newyork et reçoit une très importante commande pour le compte du milliardaire Rockfeller. Achevée, son oeuvre soulève tant de critiques, parce qu'on y voit  Lénine, Marx et d'autres "extrêmistes", qu'elle est rapidement retirée sur l'ordre de son commanditaire. Quelques années plus tard, en 1940 le Musée d'Art Moderne de New-York organise une grande exposition sur l’Art Mexicain qui rend justice au talent de ses artistes.

En 1950, Diego Rivera retourne en URSS. A Moscou, son exposition est un triomphe. Mais se rend-il compte qu'il est manipulé alors qu'il sert la propagande officielle ?

Ses dernières réalisations d'envergure sont inaugurées à la Cité Universitaire de Mexico en 1953 et dans le bâtiment de la Sécurité Sociale. Frida Kahlo, sa compagne de toujours, décède en 1954. En juillet 1956, Diego se remarie.. un cancer le ronge. Il se rend à Moscou pour subir un traitement au cobalt et retourne au Mexique pour son 70 ième anniversaire : un hommage national lui est rendu à travers tout le pays. Quelques mois après Diego Rivera meurt, le 24 novembre 1957, d'une attaque cardiaque.

Le Mexique perd alors un homme qui incarnait à sa manière la "mexicanité" tant recherchée et aussi sa modernité. Contre ses dernières volontés, son corps est déposé près de ceux des autres héros du Mexique, au Panthéon de Dolores, dans la "Rotonde des Hommes Illustres". Son histoire, mais surtout son caractère, ont fait de lui un symbole pour tous les mexicains.

 

 

Filmographie : 1932  "Que viva Mexico" Serguei Eisenstein

    1952  "Viva Zapata"Elia Kazan Kazan / Marlon Brando

    1972  "Il était une fois la Révolution" Sergio Leone

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