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Digressions musicales

En ce début d’année 2021 outre les mesures prises par l’exécutif face à la pandémie Covid 19, le Parlement s’est attelé à la rédaction d’une loi voulue par la Présidence portant sur les « séparatismes » en France axée sur le phénomène du communautarisme religieux (même s’il n’est pas mentionné) que la loi de 1905 n’endigue plus.

 

Ce projet de loi appelé dans un premier temps « loi contre le séparatisme » m’a fait penser aux problèmes qui secouent régulièrement l’Espagne depuis des décennies et que la Constitution élaborée en 1978 après la dictature franquiste, pensait avoir résolu en organisant l’État Espagnol en communautés autonomes reposant sur des particularismes régionaux, historiques, linguistiques ou économiques et soumises à la Monarchie Constitutionnelle .

Après plus de 40 ans de pouvoir l’Espagne franquiste « Una, grande y libre» (Une, grande et libre) laissait  le pas aux « Autonomies » écartant ainsi pour les pères de la Constitution, le spectre du séparatisme identitaire régional . Dans une Espagne moderne les Autonomies donnent à entendre leurs spécificités culturelles et linguistiques à travers leurs leurs chants populaires comme par leurs hymnes officiels respectifs. Ainsi l’« Himno de Aragón »  (L’Hymne d’Aragon ) exalte l’amour porté à la « Patria chica «  (la petite patrie) :

Tierra abierta, pueblo grande, Aragón! Terre ouverte, peuple grand, l’Aragon

Patria mía, Patria mía, Aragón               Ma Patrie, ma Patrie, l’Aragon

Blason de la région Aragon

 

 Il est à noter que l’hymne national espagnol ne comporte pas de texte mais les marches militaires en sont pourvues et en particulier le genre « PASO DOBLE » issu de ces dernières par son rythme binaire. Dans le premier quart du XX° siècle le paso doble chanté ou dansé gagne toute l’Espagne porté par la mode des « café-concert ». Il est de toutes les fêtes locales, sert d’intermède dans les corridas, accompagne les processions, s’ouvre aux concours de chant ou de danse. Son succès dépasse les frontières et s’étend jusqu’aux terres latino-américaines ne faisant qu’un avec le cliché de l’Espagne «typique» : castagnettes, œillets, amours heureuses ou malheureuses ….

Ce genre épouse le XX° siècle espagnol défiant régimes et même la guerre civile.

Tour à tour festif comme “España Cañi”, prélude à toute corrida, patriotique avec “Soldadito Español”, chanté lors de la guerre du Rif, militant avec «El Paso del Ebro »  appelé aussi « Ay ! Carmela ».

 

 

Soldadito Español (cliquer le lien)

https://www.youtube.com/watch?v=GeyDwwnKElY

Ay Carmela (cliquer)

https://www.youtube.com/watch?v=-tvG7R3Rs2M

Toujours renouvelé le paso doble se pare d’épithètes : “taurino”,“jotero”, “musical”,« bailable » et même « musette ».

Espana Cañi (paso doble taurino - cliquer le lien))

https://www.youtube.com/watch?v=Cq356dUd_qo

Parmi les paso-doble centenaires « Si vas a Calatayud » (Si tu vas a Calatayud) est encore bien présent dans la mémoire collective. Il est vrai que, inspirées de faits réels, ses paroles rapportent la triste histoire de Dolorès née a Calatayud en 1818, mariée en 1842 avec un fringant militaire devenu au fil des ans ivrogne et brutal. Pour survivre et nourrir ses deux enfants Dolorès se prostitue, devient l’objet d’opprobres et personnage de chansons de rues. Elle finira loin de son Aragon natal, à Madrid dans un hospice.

 

Si vas a Calatayud                          Si tu vas a Calatayud

Pregunta por la Dolores                Demande des nouvelles de Dolorès

Que una copla la mató                  Qu’une chanson a tuée

De verguënza y sinsabores           De honte et de chagrín

 

 En 1875 Feliu y Codina, un poète romantique, entend la chanson et la convertit en roman qui à son tour sert d’inspiration à Tomas Bretón , un des maîtres de la « zarzuela » espagnole.  Son œuvre lyrique éponyme « La Dolorès » est étrennée à Madrid en 1895 et connait un succès retentissant.

En 1908 le cinéma balbutiant en fait un film.

En 1932, la zarzuela aragonaise « Si vas a Calatayud » remet la Dolorès au goût du jour en attendant une nouvelle version cinématographique en 1939 avec en rôle titre une gloire de l’époque Conchita Piquer. En 1947, depuis son exil, Imperio Argentina tourne « La copla de la Dolorès ».

Pochette Conchita Piquer et affiche Imperio Argentina
Pochette Conchita Piquer et affiche Imperio Argentina

Pochette Conchita Piquer et affiche Imperio Argentina

Ce personnage dramatique est dans la lignée des héroïnes de la fin du XIX° siècle qui, telles Traviata ou quelques décennies après Manon Lescaut, bouleversent les amateurs d’opéra italien ou français. L’Espagne ne produit aucune œuvre dans ce genre lyrique car elle a trouvé son moyen d’expression avec la « ZARZUELA » proche de l’opéra-bouffe ou de l’opérette.

Son nom remonte au XVII°, sous le règne de Felipe IV, grand amateur ainsi que toute sa cour d’un genre où musique et récitatif alternent. Zarzuela est le nom du petit palais où se déroulaient ces récitals dont l'origine se trouverait dans le mot "zarzas"(ronces) peut-être primitivement abondantes en ce lieu. Zarzuela est aussi le nom d’un personnage qui pour la première fois présente au public du Palais Royal un nouveau type de divertissement :

 “No es comedia sino sólo

Una fabula pequeña en que,

A imitación de Italia,

Se canta y representa.

(Ce n’est pas une comédie mais simplement une petite fable qui, suivant la mode italienne,

est chantée et interprétée).

Le succès de la Zarzuela en Espagne sera constant durant 278 ans, reflétant tour à tour les richesses folkloriques des diverses régions tant en chants comme en danses, le génie propre à chaque compositeur et même les changements de la société espagnole. Les amateurs lui vouent un véritable culte qui trouve sa consécration dans la construction de son temple : le Teatro de la Zarzuela à Madrid en 1856, précurseur du théâtre Garnier à Paris (commencé en 1861) ou de le Royal Albert Hall inauguré en 1871 à Londres.

Royal Albert Hall  ,  Opéra Garnier, Théâtre de la Zarzuela
Royal Albert Hall  ,  Opéra Garnier, Théâtre de la Zarzuela
Royal Albert Hall  ,  Opéra Garnier, Théâtre de la Zarzuela
Royal Albert Hall  ,  Opéra Garnier, Théâtre de la Zarzuela

Royal Albert Hall , Opéra Garnier, Théâtre de la Zarzuela

Le genre trouva ses règles dans les années 1850 grâce aux compositeurs Hernando (formé au théâtre lyrique français) et Barbieri (formé à l’école italienne et grand amateur de folklore espagnol). Leurs disciples triomphèrent dans des intermèdes d’un acte fait de danses et chansons. Parmi les plus célèbres remis à l’honneur ces dernières années on peut citer :

“La Verbena de la Paloma” de Bretón (1894) 

https://www.youtube.com/watch?v=pv88FNqex5k

 

Les intrigues sont des plus légères mais ces zarzuelas mettent en scène des types populaires particuliers du Madrid fin de siècle, de l’Andalousie, de l’Aragon, du Pays Basque…Certaines pourront même avoir des connotations historiques.

Dans le genre Zarzuela ces œuvres sont classées comme mineures, Género Chico, comparées à celles beaucoup plus lyriques qui apparaîtront comme Género Grande au début du XX° siècle. Leurs compositeurs (Serrano, Luna, Torroba, Sorozabal) nés à la fin du XIX° siècle égrèneront leurs productions de 1903 à 1936. La zarzuela « La tabernera del Puerto » sera la dernière représentée à Madrid avant que L’Espagne ne sombre dans la Guerre Civile .

Ce n’est qu’à partir de 1955 que la Zarzuela sortit d’un oubli de 25 ans grâce à la volonté de José Tamayo, un amoureux dugenre au point de remonter deux zarzuelas à Madrid et de concevoir un spectacle fait pour des tournées nationales et internationales l’ « Antología de la Zarzuela »  dont le succès ne se démentit jamais durant plus de 30 ans .

Affiches "Alma de Dios"(1907), "Luisa Fernanda"(1932), "Antología de la Zarzuela"(1980)
Affiches "Alma de Dios"(1907), "Luisa Fernanda"(1932), "Antología de la Zarzuela"(1980)
Affiches "Alma de Dios"(1907), "Luisa Fernanda"(1932), "Antología de la Zarzuela"(1980)

Affiches "Alma de Dios"(1907), "Luisa Fernanda"(1932), "Antología de la Zarzuela"(1980)

L’univers lyrique du XXI° siècle sous l’impulsion de ténors internationaux et sopranos inspirées fait une place certes marginale à la zarzuela mais  qui l’installe dans l’univers du Bel Canto et dans le répertoire festif des Grands Orchestres. A découvrir et y plonger sans retenue .

 

Montserrat Caballé, Placido Domingo, Rolando Villazón, Teresa Berganza
Montserrat Caballé, Placido Domingo, Rolando Villazón, Teresa Berganza
Montserrat Caballé, Placido Domingo, Rolando Villazón, Teresa Berganza
Montserrat Caballé, Placido Domingo, Rolando Villazón, Teresa Berganza

Montserrat Caballé, Placido Domingo, Rolando Villazón, Teresa Berganza

Bibliographie:

"Coplas de jotas y tipismo de Calatayud"  Mariano Rubio Vergara

"Diccionario de la Zarzuela" Ed. Daimon (México)

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Lecture tres agreable.Que de choses apprises et qui stimulent notre curiosité intellectuelle par ces temps moroses ..toutes mes félicitations (comme d'habitude) tres Amicalement. Monique
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