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Pour un temps viral

En un temps de crise sanitaire et d’état d’urgence, de suspension de libertés,

En un temps de gouvernance chaotique, de parole sous le boisseau, de présent gommé ,et d’avenir douteux,

Pourquoi ne pas retrouver les mots refusant la soumission et qui s’ouvrent  à l’espoir

dans les chansons rebelles des années sombres du joug franquiste ?

 

 

La « Nova Cançó »( La Nouvelle Chanson) apparait en Catalogne dans les années 1957-58 avec un groupe de jeunes chanteurs « Els setze jutges » (les 16 juges), compositeurs-interprètes décidés à en découdre avec les stéréotypes en vigueur dans la chanson d’alors.

Leur inspiration vient d’un folklore réinterprété, d’adaptations de Brassens, Ferrer, Dylan, Baez …et de la conviction profonde que « La poesía es un arma cargada de futuro » (La poésie est une arme chargée de futur) comme le chantait alors Paco Ibañez faisant entendre la poésie des poètes maudits par le régime de Franco . Les vers  de Celaya ( son contemporain mort en 1991), Antonio Machado (mort en exil 1939),Miguel Hernadez (mort en prison 1942) mis en musique ouvrait un monde inconnu de beaucoup .

Paco Ibañez en concert le 15 mai 2002 à Sedan

Paco Ibañez en concert le 15 mai 2002 à Sedan

La poesia es un arma cargada de futuro (Gabriel Celaya interpreté par Paco Ibañez  à l’Olympia 1969)

Poesía para el pobre, poesía necesaria como el pan de cada día,

como el aire que exigimos trece veces por minuto,

para ser y en tanto somos dar un sí que glorifica.

 

Porque vivimos a golpes,

porque apenas si nos dejan decir que somos quien somos,

nuestros cantares no pueden ser sin pecado un adorno.

Estamos tocando el fondo.

 

Tal es mi poesía: poesía-herramienta

a la vez que latido de lo unánime y ciego.

Tal es, arma cargada de futuro expansivo

 con que te apunto al pecho.

 

Poésie pour le pauvre, poésie nécessaire
Comme le pain quotidien
Comme l'air indispensable treize fois par minute
Pour être comme nous sommes, et donc donner un oui qui magnifie.

Parce que nous vivons par à-coups,
Parce que c'est tout juste s'ils nous laissent
Dire que nous sommes ce que nous sommes
Nous pécherions si nos chansons n'étaient qu'un simple ornement.
Nous touchons le fond, nous touchons le fond

 

Telle est ma poésie, poésie-outil

Et aussi battement de l’unanime et aveugle.

Elle est arme chargée d’un futur en expansion

avec laquelle je vise ton cœur.

A partir des années 60 la chanson engagée gagne peu à peu toute l’Espagne avec l’apparition d’une génération de « cantautores » (Chanteurs-compositeurs) qui, malgré la censure, les récitals annulés, les émissions interdites, les poursuites judiciaires, voire exil, clament leurs racines, leurs critiques, leurs aspirations et leur désir de liberté.

 

Raimón en concert 2012

Raimón en concert 2012

Raimón , le valencien, a été un des pionniers de la nouvelle chanson. Aujourd’hui encore certaines de ses chansons véritables hymnes pour la jeunesse sont connues de tous. Elles témoignent et revendiquent par des textes allusifs contournant toute censure .

Al vent

Al vent,                                                         
la cara al vent,el cor al vent,
les mans al vent,els ulls al vent,
al vent del món.


I tots,
tots plens de nit,buscant la llum,
buscant la pau,buscant a déu,
al vent del món.

 

Au vent,/ le visage au vent, le cœur au vent,/ les mains au vent, les yeux au vent,/ au vent du monde.

Et tous,/ tous pleins de nuit, cherchant la lumière,/ cherchant la paix, cherchant Dieu,/ au vent du monde.

 

 

Pour les chanteurs de langue catalane il était très important de ne chanter qu’en catalan car c’était « le seul moyen d’exprimer publiquement la réponse à l’oppression culturelle dont souffrait les pays catalans » (Lluis LLach)

LLuis LLach en 2017, soutient les personnalités et élus catalans  prisonniers politiques condamnés à des dizaines d’années de prison avec programme de rééducation civique en prime.

LLuis LLach en 2017, soutient les personnalités et élus catalans prisonniers politiques condamnés à des dizaines d’années de prison avec programme de rééducation civique en prime.

Cette chanson de Lluis Llach crée en 1968 a connu un succès international non démenti à ce jour, traduite en un très grand nombre de langues car de portée universelle.

L'avi Siset em parlava
Grand-père Siset me parlait ainsi
De bon mati al portal
De bon matin sous le porche
Mentre el sol esperavem
Tandis qu'en attendant le soleil
I els carros veiem passar
Nous regardions passer les charettes

  • Siset, que no veus l'estaca
    -Siset, ne vois-tu pas le pieu
    On estem tots lligats ?
    Où nous sommes tous attachés ?
    Si no podem desfer-nos-en
    Si nous ne pouvons nous en défaire
    Mai no podrem caminar !
    Jamais nous ne pourrons marcher !
  • Si estirem tots, ella caurà
    -Si nous tirons tous, il tombera
    I molt de temps no pot durar
    Il ne tiendra pas encore longtemps
    Segur que tomba, tomba, tomba
    C'est sûr il tombera, tombera, tombera
    Ben corcada deu ser ja.
    Car il doît être déjà bien vermoulu.
    Si tu l'estires fort per acqui
    Si tu le tires fort par ici
    I jo l'estiro fort per alla
    Et que je le tire fort par là
    Segur que tomba, tomba, tomba,
    C'est sûr, il tombera, tombera, tombera,
  • I ens podrem alliberar.
    Et nous pourrons nous libérer.

 

Les chanteurs-compositeurs d’Aragon, d’Estrémadure, d’Andalousie ont aussi apporté leur contribution à la « Nueva canción » (Nouvelle chanson)

José Antonio Labordeta (1935-2010)

José Antonio Labordeta (1935-2010)

  José Antonio Labordeta, auteur-compositeur aragonais, créateur de la chanson engagée en Aragon  rend hommage aux  hommes de sa terre,  à  leur terroir, à leurs luttes et espoirs. Ses chansons ancrées dans un réel particulier ont aussi une dimension universelle.

Canto a la libertad

 

Habrá un día
En que todos
Al levantar la vista,
Veremos una tierra
Que ponga libertad.

 

Haremos el camino
En un mismo trazado,
Uniendo nuestros hombros
Para así levantar
A aquellos que cayeron
Gritando libertad.

 

Chant à la liberté/

ll y aura un jour où nous tous/ en levant les yeux/Nous verrons une terre /porteuse de liberté/ Nous ferons route/avec un même tracé/unissant nos épaules/pour ainsi relever/ceux qui sont tombés/en criant liberté.

Pablo Guerrero en 2020 (Spectacle au Teatro Tribueñe)

Pablo Guerrero en 2020 (Spectacle au Teatro Tribueñe)

En Estrémadure la “Nueva Canción” trouve son poète et compositeur avec Pablo Guerrero né en 1946. Cet artiste s’identifie parfaitement avec le monde rural où il a vu le jour. Sa sensibilité fera de lui le porte-voix de sa patrie originelle et deviendra clairement revendicatrice dans les années qui précédèrent la disparition du régime franquiste. Sa carrière artistique et poétique, ses recherches musicales ne se sont jamais interrompues depuis.

Extremadura

Extremadura,
Campo de toros heridos
Que no braman.
¿Ocultarán el gemido
De su garganta?

 

Extremadura,
Soledad llena de encinas
Sobre campos con veredas,
¿Por qué se fueron los hombres
De tu tierra?
Extremadura,
Tierra de conquistadores
Que apenas te dieron nada.

 

Ay, mi Extremadura
Amarga
Ay, mi Extremadura
Levántate y anda.

Estrémadure,/Terre de toros  blessés/ qui ne mugissent pas./Cacheraient-il la plainte de leur gorge ?/Estrémadure,/ solitude pleine de chênes,/sur des champs clôturés/Pourquoi les hommes sont-ils partis/de ta terre ?/Estrémadure,/terre de conquérants/qui ne t’ont presque rien donné./Aïe, mon Estrémadure,amère/Aïe, mon Estrémadure,Lève-toi et marche.

Manuel Gerena(Avril 2021, préparation à l’hommage du « cantaor » au poète Miguel Hernadez, organisé par le théâtre Lope de Vega de Séville , 45 ans après que l’artiste en ait été exclu par arrêté gouvernemental

Manuel Gerena(Avril 2021, préparation à l’hommage du « cantaor » au poète Miguel Hernadez, organisé par le théâtre Lope de Vega de Séville , 45 ans après que l’artiste en ait été exclu par arrêté gouvernemental

 

Manuel Gerena est né dans la région de Séville en 1945, d’une famille pauvre ce qui réveilla en lui très tôt un sentiment rebelle à toutes les injustices. Au moment où la culture officielle espagnole s’appliquait à assécher la culture populaire, dès 1968, le jeune homme va se servir du flamenco dont il est naturellement imprégné pour exprimer par son « cante » ( chant) sublimé par la guitare, tous ses refus et toutes ses aspirations. « Él era un juglar en tiempos de miseria » ( Il était comme un troubadour en temps de disette ) citation de Caballero Bonald  dans « A contra corriente por la dignidad » (« A contre courant pour la dignité »).

Si el gobierno no me oye 

Y en Madrid está la corte 

y en el pueblo sigue el hambre. 

Si el gobierno a mí no me oye, 

yo voy a gritar por toíta la calle

¡Ay! Que no pué ser, ¡ay! No aguanto más, 

porque me falta, mare, la libertad.

Que me lleven entre cuatro,

¡ay! que poquito a mí se me da.

Siempre que yo haya lograo

pa’ mi hermano la libertad.

 

Tú callaste la de mi amigo, 

callaste la lengua de mi amigo. 

La mía lengua no cortarás: 

sabrá mi pueblo a su tiempo 

sus derechos y toa la verdad.

Mira hermano,

¡ay! como estamos ya.

Si esto sigue, va a reventar

si esto no acaba, va a reventar.

 

Si le gouvernement ne m’entend pas/

                                               A Madrid il y a la Cour,/et dans le peuple la faim/si le gouvernement ne m’entend pas/je vais le hurler dans les rues/ Aïe, ce n’est pas possible. Aïe, je n’en peux plus/ car mère, il me manque la liberté/ Qu’on m’enferme entre 4 murs/AÏe / peu m’importe/si j’ai obtenu la liberté de mon frère./Tu as coupé la langue de mon ami/ mais tu ne couperas pas la mienne/Les gens sauront à temps/leurs droits et toute la vérité/Regarde mon ami/Aïe, dans quel état nous sommes/Si ça continue, ça va crever,/ si ça ne finit pas, ça crevera .

 

Tous ces textes continuent d’apporter leur message , là où comme en Espagne, la culture, le spectacle vivant, a pu continuer de s’exprimer tout en respectant les règles drastiques dues à la pandémie Covid 19 qui affecte nos sociétés depuis plus de deux ans . Vieux d’une cinquantaine d’années, sans appel, ils résonnent au présent :

 

Diguem no (Raimón)

Disons Non

Ara que som junts
Diré el que tu i jo sabem
I que sovint oblidem

Hem vist la por
Ser llei per a tots
Hem vist la sang
Que sols fa sang
Ser llei del món

No
Jo dic no
Diguem que no
Nosaltres no som d'eixe món

Hem vist la fam
Ser pa
Dels treballadors

Hem vist tancats
A la presó
Homes plens de raó

No
Jo dic no
Diguem no
Nosaltres no som d'eixe món

No
Diguem no
Nosaltres no som d'eixe món

 

Maintenant que nous sommes ensemble /Je vais dire ce que toi et moi savons/Et que nous oublions  souvent/Nous avons vu la peur /Etre loi pour tous/Nous avons vu le sang/qui ne donne que du sang/Etre la loi du monde/Non /Je dis NON/Disons non/Nous ne sommes pas de ce monde/Nous avons vu la faim / être le pain/Des ouvriers/Nous avons vu enfermés/En prison /Des hommes pleins de raison Non /Je dis NON/Disons non/Nous ne sommes pas de ce monde/

Bibliographie

Monographie De RNE (Radio Nacional de España ) "Los cantautores"

Extraits de biogaphies (Internet)

Vidéos YouTube

Images du Net

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L
toujours aussi excellent tes articles.
Répondre
J
Merci pour ces articles. Toute notre jeunesse. Paco Ibanez à la Halle aux grains, énorme!
Répondre