Ils ont été trois à m’ouvrir les portes du passé, chacun m’offrant une facette de l’histoire régionale : Foix, Pau et St Félix du Lauragais. Tous ont été des forteresses médiévales connaissant grandeurs et vicissitudes mais témoignant toujours de la puissance et de l’esprit d’indépendance des seigneurs régionaux que ce soit en Ariège, Béarn ou Lauragais.
Tous ont eu leurs figures historiques marquantes, Gaston Phoebus à Foix, Henri IV à Pau,Déodat de Séverac à St Félix…
Croix Occitane et Croix Cathare
Commençons par le Château de Foix, véritable nid d’aigle construit sur un éperon rocheux qui, depuis le X° siècle, surplombe le confluent de l’Ariège et de l’Arget. Du XI° au XIII° siècle il devient le siège des puissants comtes de Foix souvent en guerre avec la couronne de France et la Papauté. Ni les Croisés de la Croisade des Albigeois, ni les Inquisiteurs ne viennent à bout de son esprit d’indépendance et de résistance hérité de Roger 1° (1030-1064) fondateur de la lignée comtale.
L’actuel aménagement du château permet de suivre l’Histoire en parcourant les salles réservées à cet effet et qui présentent arbres généalogiques, armoiries, objets d’époque, fragments ou chapiteaux sculptés, maquettes…
Régulièrement des planches historiques rafraichissent la mémoire du visiteur en rappelant par exemple le rôle clé du Comte Raymond-Roger de Foix (1188-1223) qui soutint les Cathares faisant de son château un refuge pour les hérétiques qui fuyaient le plus redoutable des grands inquisiteurs exerçant dans le midi, l’Évêque Jacques Fournier, un ariégeois qui devint Pape sous le nom de Benoit XII. Le château était alors une des résidences de la sœur du comte, Esclarmonde de Foix, convertie au catharisme en 1204, à Fanjeaux, dans l'Aude, et qui reçut le consolamentum, sacrement cathare, des mains mêmes de Guilhabert de castres,l'évêque emblématique de cette religion.
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C’est sur la planche du XIV siècle que je retrouve le héros de ma jeunesse : Gaston Phoebus, comte de Foix et Vicomte de Béarn. A la fin des années 50 La Dépêche du Midi contait sa vie sous forme de feuilleton dont les lectures quotidiennes m’apportaient rêves et découvertes. Le texte signé Myriam et Gaston de Béarn était illustré par celui qui deviendrait un peintre célèbre, Carlos Pradal, dont deux œuvres sont exposées au Musée Goya de Castres. Les auteurs, couple d’écrivains connus pour leurs romans historiques s’étaient rencontrés en 1945 et partageaient une passion commune pour l'histoire régionale. Gaston, héritier de dix tonnes d'archives familiales sur le Sud-Ouest de la France, y puisait l'inspiration pour leurs romans dont « La vie fabuleuse de Gaston Phoebus » qui m’enchantait.
Gaston III de Foix-Béarn avait choisi lui-même son surnom Phoebus en référence au Dieu Soleil de la mythologie romaine symbolisant ainsi son charisme, sa puissance et son goût pour la magnificence. Grand guerrier, homme politique avisé, mécène et poète, il a marqué son époque par son intelligence et son indépendance face aux puissances de son temps en particulier durant la Guerre de Cent ans (1337-1453) qui faisait rage entre la France et l’Angleterre. Son comté, situé entre ces deux puissances, était convoité par les deux camps. En renforçant les défenses de ses territoires, et en améliorant les fortifications du château de Foix et du château de Pau il repoussa toutes les tentatives d’invasion ou de siège.
Le château durant les siècles suivants vit disparaitre son importance militaire et ses trois tours devenir prisons jusqu’en 1862. Rien dans le musée qu’il est devenu ne rappelle ces tristes temps car le visiteur déambule dans un Moyen-Âge reconstitué dans ces mêmes tours. Chacun peut s’attarder dans l’habitat des comtes et contempler objets et meubles du quotidien. Régulièrement des animations se déroulent sur les remparts, le musée ayant à cœur d’offrir des visites immersives. Au pied des tours les reconstitutions de catapultes et trébuchets m’ont impressionnée ainsi que les forgerons en pleine action ! Ce jour-là dans la salle des Banquets parée comme à l’époque c’était une collation médiévale qui était offerte par des intervenants tous droit sortis d’un grimoire…
Après la rudesse des fortifications moyenâgeuses le château de Pau m’a proposé l’élégance de la Renaissance. En contemplant les façades de sa cour d’honneur percées de multiples fenêtres et ornées de médaillons et guirlandes, le tout d’une blancheur éclatante, j’ai cru me trouver en pays de Loire chez Diane de Poitier…en fait j’étais chez Marguerite d’Albret reine de Navarre, née Marguerite d’Angoulême et grand-mère du futur Henri IV. La souveraine et son époux accueillent le visiteur dans leurs médaillons respectifs qui ornent une belle fenêtre en rez-de-chaussée dans la cour d’honneur. Entrer dans le bâtiment et se faire happer par l’Histoire ne font qu’un !
La maquette du château permet au regard de parcourir six siècles d’architecture civile et militaire à commencer par le Donjon Gaston Phoebus, suivie des tours Montauser, Louis Philippe, Napoléon III…La visite qui ouvre l’éventail des siècles est régulièrement ponctuée par plusieurs statues d’Henri IV le roi préféré des français encore de nos jours. Debout le souverain préside la Salle des Cent Couverts après avoir accueilli les convives sur le palier de l’escalier menant à l’étage réaménagé par Louis-Philippe dans le goût néo-gothique en vogue au XIX siècle. Enfant malicieux il est posé sur une jolie console d’un petit salon meublé renaissance…
Je m’attarde pour contempler les nombreuses tapisseries murales des XVI et XVII° siècles qui ornent salles et salons, pour la plupart réalisées par la manufacture des Gobelins et découvre enfin la chambre natale d’Henri IV, reconstituée avec soin. Sa pièce maîtresse est le berceau du futur roi de France, héritier de la couronne royale de Navarre. Berceau aussi improbable qu’exceptionnel : une imposante carapace de tortue marine qui augure d’un règne d’exception. Je regrette son ornementation du début XIX° car elle me semble des plus contestables !
Après la Royauté, l’Empire sous Napoléon III marque de son empreinte le château. Pau est idéalement située pour satisfaire l’engouement de la Cour pour les villes d’eau ou balnéaires comme Dax ou Biarritz et sa proximité avec l’Espagne patrie d’Eugénie de Montijo, épouse de l’Empereur, est un atout supplémentaire. Mobilier bourgeois, commodités modernes, porcelaine de Sèvres à profusion !
L’épisode monarchiste définitivement clos, la République Française sous ses diverses moutures aura à cœur de rattacher le château au Service des Musées Nationaux ce qui en permettra restauration et entretien et même utilisation comme lieu d’accueil pour des actes officiels en tant que site emblématique au même titre que l’Élysée ou le Louvres … Henri IV pour qui Pau valait bien Paris ne peut qu’être enchanté d’une telle reconnaissance !
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Mon périple estival s’achève au Château de St Félix du Lauragais. Racheté par la mairie depuis une dizaine d’années l’imposante bâtisse qui domine la plaine du Lauragais, a du mal à refléter grandeur passée et péripéties de l’Histoire. En fait il ne reste rien de la première forteresse si ce n’est une trace écrite datant de 1035 ! A la fois défensive et résidence seigneuriale, elle affirma son appartenance au catharisme en recevant le premier concile cathare en 1167.
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Le village de St Félix étant un des premiers lieux où les Cathares s’étaient implantés, il n’est guère étonnant qu’au XIII°, lors de la Croisade des Albigeois, Simon de Montfort non seulement rasa le château mais détruisit le village. L’ironie de l’Histoire n’est jamais à court de paradoxes puisqu’un siècle plus tard le château devenu place forte royale fut racheté en 1324 par la famille Duèze, issue d’une lignée de notables cadurciens dont un des membres devint le premier pape installé en Avignon sous le nom de Jean XXII ! Une période faste s’ouvre alors pour le château et la ville enrichis par le commerce du pastel cette plante tinctoriale cultivée et exploitée en Lauragais « le pays de Cocagne »…
Arrière du Château, Cour d'honneur,Façade latérale et terrasse
Le déclin du commerce du pastel entraine le déclin de St Félix et de son château et plonge le tout dans un engourdissement provincial que j’ai ressenti en parcourant les quelques salles visitables plutôt dénudées mais ouvertes à la créativité de quelques artistes contemporains. Désormais St Felix se veut foyer de culture et gardien du patrimoine local. J’espère bien un jour assister à la Fête de la Cocagne ou au Festival de Musique qui annuellement animent les lieux. Faute de mieux en sortant du château je suis allée voir la façade de la maison familiale du musicien compositeur Déodat de Séverac, auquel le festival rend hommage. On raconte qu’un jour, en 1909, Déodat de Séverac aurait été invité au château. Il y aurait improvisé au piano des thèmes inspirés de mélodies occitanes qu’il affectionnait particulièrement. Certains affirment que ce moment aurait nourri l’inspiration de son œuvre "Cerdanya", une suite pianistique aux accents impressionnistes.
Exposition d'artistes contemporains, Maison natale de Déodat de Séverac
Ce dernier château à lui seul résume la grandeur et décadence régionales suivies de résurrections. Tous sont des lieux de mémoire occitane ouverts sur le présent. Tous ont magnifiquement enrichi un été de découvertes. Tous sont à découvrir!
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Bibliographie :
- Brochures des Musées de Foix, Pau et St Félix du Lauragais
- Le Château de Pau en dates et chiffres (Ed Jean-Paul Gisserot)
Photographies Personnelles