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Musée Goya de Castres : quel parcours ! (suite et fin)

Tête de Ste Thérèse d'Alexandrie (Llanos y Valdès 1652)

C’est encore toute impressionnée par ces peintures qui ouvrent une réflexion sur l’intime relation entre transcendance et martyre que je retrouve à la sortie de la salle la longue perspective dont le point d’orgue est l’autoportrait de Goya réalisé vers 1800 alors que le peintre se relevait d’une maladie qui l’affectait depuis plusieurs années entrainant une surdité irréversible. Son regard au dessus de ses lunettes m’interpelle et semble s’interroger sur son destin…Lui faisant face le portrait qu’il réalise de son ami Francisco Del Mazo, fidèle compagnon des bons et mauvais jours, apporte une présence réconfortante par sa pose et son regard calme…

Autoportrait de Goya aux lunettes ver 1800 - Portrait de Franscisco del Mazo
Autoportrait de Goya aux lunettes ver 1800 - Portrait de Franscisco del Mazo

Autoportrait de Goya aux lunettes ver 1800 - Portrait de Franscisco del Mazo

Entre les deux, sur toute la longueur de la salle, l’immense tableau de 3 mètres sur 4 nommé « La Junta de Filipinas » (L’Assemblée de la Compagnie Royale des Philippines) que Goya peint en 1815 après la restauration des Bourbons éclipsés du trône par l’épisode napoléonien. Le vide en est l’élément essentiel présidé par le roi Ferdinand VII, encadré de notables fantomatiques et ignoré d’un public distrait insensible à la banqueroute qui s’annonce. La dimension critique de Goya est bien présente et prépare le visiteur aux gravures de la salle suivante.

La Junta de Filipinas (Goya 1815)

La Junta de Filipinas (Goya 1815)

Murs noirs sur lesquels se détachent les images projetées de certaines gravures, vidéo sur écran en fond de salle qui explique les secrets des eaux-fortes, matériel du graveur présenté dans une vitrine et, mises en valeur comme des bijoux dans leur coffre en verre occupant tout le centre de la salle, les gravures des « Caprices ». Je connais cette série comme celle de la « Tauromachie » ou celle des « Désastres de la guerre » et ne m’attarde que trop peu dans ce lieu consacré à l’infléchissement le plus remarquable de l’œuvre de Goya.  Dès 1799 Goya, le libéral progressiste, l’homme de Cour, dénonce satiriquement dans ses Caprices les vicissitudes, turpitudes et vanités d’une société qui ignore le Siècle des Lumières venu de France. Personnages grimaçants, sorcières, chimères en caricaturent les archaïsmes liés à l’ignorance souvent entretenue par l’Eglise et les superstitions.

 

Série "Caprices" ( Caprichos) Goya
Série "Caprices" ( Caprichos) Goya
Série "Caprices" ( Caprichos) Goya

Série "Caprices" ( Caprichos) Goya

Les « Désastres de la guerre » gravés durant et après l’invasion napoléonienne (1810-1814) sont à la limite du supportable par la représentation sans concession de la sauvagerie inhérente à la guerre et témoignent, pour tous, des atrocités mais aussi de l’héroïsme liés aux Guerrillas de la guerre d’Indépendance menée par le peuple espagnol contre l’armée de l’envahisseur français.

Série "Les désastres de la Guerre" Goya
Série "Les désastres de la Guerre" Goya

Série "Les désastres de la Guerre" Goya

Goya grand amateur de courses de taureaux convoque dans sa série « La tauromachie » (1816) la découverte de cette tradition dangereuse et festive, où l’homme et la bête se mesurent dans un jeu incertain. Le courage, l’audace, la bravoure de l’homme comme de la bête s’y affrontent, l’argent s’y invite… Peu à peu apparaissent les premières règles qui feront de cette tradition un spectacle codifié : la corrida, dont la conclusion est la mort.

 

Série "Tauromaquía" Goya
Série "Tauromaquía" Goya

Série "Tauromaquía" Goya

Goya ouvre les scènes de genre du XIX° siècle (« costumbrismo ») par sa tauromachie. La suite de la visite permet la découverte de pépites qui retracent l’époque romantique en Espagne à travers scènes de rues et portraits. La création artistique européenne exploitera « l’exotisme » espagnol tout au long de ce siècle qui va du romantisme à la modernité. Je ne peux m’empêcher de penser à la Carmen de Mérimée ou de Bizet, au « Capricho » de Rimsky Korsakof, ou la « Symphonie espagnole » de Lalo… sans oublier « España » de Chabrier.

Tableaux du XIX° ("costumbrismo "et portrait de dame)
Tableaux du XIX° ("costumbrismo "et portrait de dame)
Tableaux du XIX° ("costumbrismo "et portrait de dame)

Tableaux du XIX° ("costumbrismo "et portrait de dame)

A l’inverse une nouvelle génération d’artistes espagnols nés vers 1860 se montrera très sensibles au modernisme et aux touches impressionnistes françaises.

 

Trois maîtres du Modernisme : Fortuny,Sorolla,Rusinol...
Trois maîtres du Modernisme : Fortuny,Sorolla,Rusinol...
Trois maîtres du Modernisme : Fortuny,Sorolla,Rusinol...

Trois maîtres du Modernisme : Fortuny,Sorolla,Rusinol...

J’entre maintenant dans les derniers salons consacrés au XX° siècle, à ses « géants » Picasso, Dali, Miró, Saura, Tapies, dont les œuvres exposées me troublent autant que les sculptures sanguinolentes vues près des portraits des martyrs et saints !

 

Maîtres du XX° : Picasso, Miró, Dominguez Oscar,Saura,Tapiès...
Maîtres du XX° : Picasso, Miró, Dominguez Oscar,Saura,Tapiès...
Maîtres du XX° : Picasso, Miró, Dominguez Oscar,Saura,Tapiès...
Maîtres du XX° : Picasso, Miró, Dominguez Oscar,Saura,Tapiès...
Maîtres du XX° : Picasso, Miró, Dominguez Oscar,Saura,Tapiès...

Maîtres du XX° : Picasso, Miró, Dominguez Oscar,Saura,Tapiès...

Il y a aussi le rappel poignant de la guerre civile évoqué par la figure grandeur nature d’un combattent vaincu mais encore debout, une étrange scène de genre recouvrant tout un mur, et le cri profond du flamenco signé Pradal…

"Le combattant "- "Judith et Holopherne" de Javier Bueno 1938-39)"Le chanteur de Flamenco "de Pradal 1982
"Le combattant "- "Judith et Holopherne" de Javier Bueno 1938-39)"Le chanteur de Flamenco "de Pradal 1982
"Le combattant "- "Judith et Holopherne" de Javier Bueno 1938-39)"Le chanteur de Flamenco "de Pradal 1982

"Le combattant "- "Judith et Holopherne" de Javier Bueno 1938-39)"Le chanteur de Flamenco "de Pradal 1982

En bout de parcours le musée propose les œuvres d’artistes contemporains qui relisent le présent à la lumière du passé et rejoignent dans leur vision décapante la dimension satirique goyesque.

Je m’attarde sur le grand portrait de Philippe II œuvre du collectif Equipo Crónica qui révéla les balbutiements d’une nouvelle Espagne bientôt libérée du joug franquiste. L’œuvre en fin de visite renvoie au Philippe II de Velázquez vu en début. Même pose, même expression mais le fond n’est plus paysager : le pop Art aux couleurs criardes fait la loi comme l’américanisation qui s’infiltre dans la société espagnole des années 70. La Toison d’Or attribut toujours actuel de la famille royale barre la poitrine du souverain qui tient à la main non plus une arme mais le journal conservateur ABC le grand influenceur de l’époque ! Je m’amuse beaucoup à relever toute la charge satirique de cette peinture…

"La factoria y yo" Equipo Crónica 1971 (sérigraphie)

 

Et puis tout près il y a l’installation de Pilar Albarracin « Asneria » de 2010 : un bel âne gris naturalisé trônant sur une pile de livres épars ! Goya dans ses Caprichos s’est beaucoup servi de l’âne pour stigmatiser satiriquement la bêtise et l’obstination. Que peut apprendre cet âne, dont l'ombre est celle d'une licorne, fièrement juché sur une montagne de livres jetés au hasard ? une question se pose en miroir « et nous ? »

 

Installation"Asnería" Pilar Albarracín 1910

 

 

Ma visite se termine sur cette interrogation cependant que devant mes yeux flottent encore petites sculptures et tableaux qui persistent à ce jour dans mon souvenir .

Du XVII° au XX°...
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Du XVII° au XX°...

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Merci beaucoup pour cette ouverture et cette déambulation culturelles et artistiques du musée Goya ! <br /> Merci pour l' enrichissement offert par votre article<br /> Hélène
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