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Musée Goya de Castres : quel parcours !

Castres : petite Venise sur l'Agoût

Castres : petite Venise sur l'Agoût

Au cœur de l’hiver se rappeler des journées lumineuses de l’été est un passe-temps agréable et les photos sont là pour raviver les souvenirs. Parmi mes excursions estivales la visite du Musée Goya à Castres mérite une mention particulière. Je l’avais visité quelques années avant le Covid et avais gardé en mémoire un édifice sévère qui proposait dans l’épaisse pénombre de quelques salles, des œuvres consacrées à des peintres espagnols majeurs s’échelonnant du XV au XIX ° siècle, dont le plus connu universellement : Goya !

 

Les jardins du Musée Goya et l'autoportrait de Marcel Briguiboul
Les jardins du Musée Goya et l'autoportrait de Marcel Briguiboul

Les jardins du Musée Goya et l'autoportrait de Marcel Briguiboul

Installé dans le palais épiscopal de la ville construit au XVII° le musée est créé en 1840. Suite à l’épopée napoléonienne la mode est à l’Espagne, Victor Hugo en fait la toile de fond de certains poèmes et drames, Mérimée offre Carmen à ses lecteurs, Manet s’inspire de ses danseurs de flamenco et corridas, Gustave Doré de ses contrebandiers… Le leg de Pierre Briguiboul en 1894 affirme la vocation hispanique du Musée scellée par l’entrée de trois tableaux de Goya et les gravures du Maître mort en exil à Bordeaux une cinquantaine d’années auparavant.

Le rez-de-chaussée réservé à l’accueil et à la boutique du Musée me surprend agréablement par sa luminosité et la qualité des articles à la vente car j’avais en mémoire une salle vieillotte, obscure et qui débouchait sur les salles d’exposition peu éclairées. Totalement remanié depuis 2023 le Musée ouvre ses expositions aux étages. L’autoportrait de Marcel Briguiboul, peintre talentueux et père du donateur nous accueille élégamment dans une sorte de petite antichambre-vestibule qui ouvre la visite.

Le seuil franchi le regard s’émerveille en découvrant ors et couleurs des tableaux et bois peints qui ornaient églises et couvents du Moyen Age. En enfilade sur les 4 murs de la salle du XII° au XIV° siècles le christianisme se dévoile : St Paul rédigeant son Évangile, Martyrs avec leur palme ou l’instrument de leur supplice, Christ Crucifié, Ressuscité, en Ascension,

Saintes Femmes au pied de la Croix, Marie en dormition, Saint Martin partageant son manteau pour vêtir un misérable…Les vêtements évoluent et reflètent la vestimentaire de l’époque, les arrières -plans deviennent plus complexes, la perspective apparait, les échanges artistiques entre les constructeurs de cathédrales favorisent l’émergence du style gothique. Je m’attarde sur tel drapé, une armure, un château féodal, une Jérusalem fantasmée.

 

Musée Goya de Castres : quel parcours !
Musée Goya de Castres : quel parcours !
Musée Goya de Castres : quel parcours !
Musée Goya de Castres : quel parcours !
Musée Goya de Castres : quel parcours !

Le parcours proposé par le Musée est chronologique et la salle suivante est dédiée aux artistes du siècle d’Or espagnol qui s’étendit du XVI° au XVII° siècles, débutant avec les Rois Catholiques et la découverte du Nouveau Monde. Ce siècle trouva son apothéose et déclin avec le règne des Habsbourg et marqua de son empreinte la Contre-Réforme instrument de l’Église Catholique contre le Protestantisme. A l’austérité de ce dernier, à son rejet du culte marial et des saints l’Église oppose une statuaire variée et multiple, maniériste jusqu’à l’excès, au luxe ostentatoire, favorisé en Espagne par l’afflux des richesses des colonies américaines.

Musée Goya de Castres : quel parcours !
Musée Goya de Castres : quel parcours !

Un portrait grandeur nature de Philippe IV de Habsbourg en tenue de chasseur peint par Velázquez est le point de départ d’une visite où se succèderont des tableaux signés de maîtres prestigieux : Pacheco qui forma Velázquez, Herrera son élève, Zurbaran aux saints humbles et ascétiques, Murillo aux madones inégalées, Cano « le Michel-Ange espagnol », Coello à la facture baroque …

Le tableau s’impose au regard par sa taille deux mètres de hauteur pour une largeur d’un mètre cinquante et l’harmonie résultant d’une palette casi monochrome déclinant les couleurs de l’automne. Philippe IV un long mousquet à la main, pose l’air grave, son chien d’un naturel confondant sagement assis à ses pieds. La silhouette se détache avec élégance d’un fond paysager savamment suggéré.

Philippe IV par Vélasquez (1624)

Philippe IV par Vélasquez (1624)

Au milieu du XVI° siècle l’Église Romaine dans son Concile tenu à Trente avait réaffirmé l’usage légitime des images et sculptures pour instruire et affermir la foi des fidèles en représentant de nombreux sujets religieux. Cathédrales, basiliques, abbayes et monastères verront chapelles, abbatiales, salles capitulaires, réfectoires s’orner de tableaux des maîtres du Siècle d’Or.

Pacheco "Le repas du Christ servi par les anges " (1616)

Pacheco "Le repas du Christ servi par les anges " (1616)

La taille du tableau m’impressionne avec 3 mètres de haut et 4,50 mètres de large, un format en accord avec le réfectoire communautaire pour lequel "Le repas du Christ servi par les anges" servait de décor. Au premier plan à gauche le Christ en robe écarlate accroche le regard qui glisse incurvé vers la droite sur trois anges servant leur Maître. Leurs vêtements et ailes aux teintes douces nous invitent à chercher la lumière du ciel au second plan où volent trois angelots de facture baroque. Les courbes du style baroque omniprésentes dans la composition du tableau rehaussent la surface rectangulaire de la table dressée pour le repas.  Sur la nappe blanche qui semble s’avancer vers le spectateur pain et vin rappellent l’Eucharistie

Herrera le Jeune "Les noces de Cana" 1600
Herrera le Jeune "Les noces de Cana" 1600

Herrera le Jeune "Les noces de Cana" 1600

 

 Afin de rendre plus palpable l’esprit de la contre-réforme qui voulait renforcer la foi des fidèles dans les dogmes catholiques le musée présente une série de petites sculptures et statuettes représentant saints et saintes, et consacre toute une salle aux portraits de martyrs mais avant d’y accéder un autre tableau monumental qui occupe tout un mur de la salle où il est exposé, mérite toute l’attention.

Le tableau de presque 3 mètres sur 6 intitulé "Les Noces de Cana" de Herrero le Jeune est la représentation d'un épisode biblique majeur tiré de l'Évangile selon saint Jean où Jésus accomplit son premier miracle en transformant l'eau en vin lors des noces de Cana. L’artiste nous immerge au cœur du festin nuptial la longue table dressée étant la barrière entre le spectateur et les personnages. Décor luxueux, abondance des mets, richesse des vêtements des convives, couleurs vives, diversité des postures et expressions soulignent le caractère festif mais aussi institutionnel de la fête. Au centre, attablés, le Christ et sa mère se parlent. Jésus semble s’interroger sur la réalisation de son miracle, Marie les mains ouvertes, le visage paisible, semble accepter l’acte… qui révèlera à tous la nature divine de son Fils.

 

La salle des Etats Diocésains

La salle des Etats Diocésains

La traversée de la Grande salle des États diocésains, dépouillée volontairement car réservée à l’événementiel, repose le regard et l’esprit. Le regard parcourt nonchalamment la frise bleue des armoiries de 35 évêques de Castres, du Moyen-Âge à l’époque contemporaine, avant de retrouver les peintures chatoyantes de la salle suivante consacrée aux figures féminines du Siècle d’or. La Vierge Marie y règne en souveraine à coté de statuettes allégoriques représentant La Foi, La Charité et l’Espérance. Murillo et Coello deux maîtres de l’école sévillane y laissent éclater leur palette somptueuse. Murillo travaille le thème marial au plus près du réel et s’inspire d’une jeune mère sévillane voisine pour sa « Vierge au Chapelet »

alors que Coello nous entraine avec son « Immaculée Conception » dans une vision paradisiaque peuplée d’angelots et nuées évanescentes…

 

Figures allégorique,Vierge au Rosaire (Murillo 1650?)L'Immaculée Conception( Coello 1676) ,
Figures allégorique,Vierge au Rosaire (Murillo 1650?)L'Immaculée Conception( Coello 1676) ,
Figures allégorique,Vierge au Rosaire (Murillo 1650?)L'Immaculée Conception( Coello 1676) ,

Figures allégorique,Vierge au Rosaire (Murillo 1650?)L'Immaculée Conception( Coello 1676) ,

Accéder à la salle consacrée aux Saints révèle au fond d’une longue perspective, l’autoportrait de Goya : l’effet est bluffant ! mais les grandes figures de Saints sont à contempler en premier. La galerie déroule les représentations de martyrs, ermites ou théologiens faites par les maîtres espagnols : Zurbaran, Ribera, Murillo, Valdès Leal,Le Greco, Cano, Morales…

La technique du clair-obscur héritée des peintres italiens souligne le caractère dramatique des œuvres, leur réalisme prend une dimension théâtrale en accord avec le sujet représenté. Tout contribue à éveiller la compassion et invite à une réflexion sur la sainteté telle que la Contre-Réforme la définit.

( à suivre...)

 

St François (Greco 1600?) St Augustin (Ribera 1616) Martyre de St André(Ribera 1652?)St François (Llanos y Valdès 1663)
St François (Greco 1600?) St Augustin (Ribera 1616) Martyre de St André(Ribera 1652?)St François (Llanos y Valdès 1663)
St François (Greco 1600?) St Augustin (Ribera 1616) Martyre de St André(Ribera 1652?)St François (Llanos y Valdès 1663)
St François (Greco 1600?) St Augustin (Ribera 1616) Martyre de St André(Ribera 1652?)St François (Llanos y Valdès 1663)

St François (Greco 1600?) St Augustin (Ribera 1616) Martyre de St André(Ribera 1652?)St François (Llanos y Valdès 1663)

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M
Superbe reportage felicitations Monsetta
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P
Très beau musée, je n'y suis pas revenue depuis longtemps, il faut que j'y retourne!
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H
Une excellente lecture dès le matin ... un cadeau !<br /> Merci, Madame
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M
Toujours aussi agréable à lire ! Tu donnes bien envie d'aller y faire un tour ! Félicitations !
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L
Il est très bon cet article vivement la suite
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