Chacun le sait l’été, temps des vacances, est aussi le temps des voyages lointains ou proches…Le mien sans contraintes sanitaires incontournables, sans attaques virales létales, sans soif d’exotisme, sera celui de l’approche sentimentale des terres occitanes comme suite logique des incursions de l’été dernier…Au programme le site d’Ensérune, l’Abbaye d’Escaladieu, le château de Valmirande, Cordes-sur ciel , Moissac, Auvillar, Narbonne…une boucle touristique allant de la romanité au médiéval avec un appendice néo-renaissance inattendu !
L’Abbaye d’Escaladieu
Au Moyen-Âge, l'abbaye était une halte importante pour tous les pèlerins de Compostelle qui empruntaient le Chemin du Piedmont. Elle se situait à proximité de la grande route traditionnelle qui allait du Béarn au pays de Foix, sous la protection du château de Mauvezin, tout proche.
L’abbaye est fondée en 1142 par un groupe de moines cisterciens à la recherche de terres moins inhospitalières que les pentes du Tourmalet où ils s’étaient précédemment installés.
Le nom de l'Escaladieu vient de l'occitan Escala a Diu, du latin Scala Dei signifiant « échelle vers Dieu ».
L’abbaye fidèle à la tradition d’hospitalité des ordres cisterciens abrite un hospice pour recevoir les pèlerins. Au fil des ans et des siècles l’abbaye s’enrichit, s’agrandit, devient un bastion catholique puissant qui suscitera bien des convoitises au temps des guerres de religion du XVI° siècle. Les troupes protestantes du Duc de Montmorency l’assiègeront 3 fois causant d’irrémédiables destructions. L’heure du déclin s’annonce alors malgré les travaux de reconstruction.
La Révolution Française chasse la communauté religieuse et vend l’abbaye comme bien national. Entre les mains privées elle devient rendez-vous de chasse, source de revenus par la vente (ou le vol) de ses pierres taillées, de son cloître…Son classement au titre de « monument historique » en 1938 n’empêche pas son abandon et sa dégradation . En 1986 l’association « Rencontres d’Escaladieu» est en mesure de la racheter et d’entreprendre les premiers travaux de restauration des bâtiments délabrés et de l’église abbatiale en ruine . Dix ans après le Conseil Général des Pyrénées rachète l’abbaye et ses dépendances, et entame un programme de réhabilitation et d’ouverture culturelle en organisant concerts, expositions et rencontres artistiques.
Lors de la visite le premier contact avec l’abbaye s’établit sur une pelouse qui se déroule au pied de quelques harmonieuses arcades du cloître aujourd’hui disparu. Notre guide insiste sur la nécessité d’ouvrir notre imagination pour retrouver mentalement l’imposante colonnade qui enchâssait un jardin riche en plantes médicinales. Au milieu de la façade la grande ouverture de style méridional donne accès à la salle capitulaire construire à la fin du XII° siècle. J’admire l’alternance de pierres et de briques qui rythme les murs de la salle. Les voûtes de briques, disposées en croisée d'ogive, de construction plus tardive (1200–1225) retombent sur quatre colonnes en marbre. Elégance et sobriété ont traversé les siècles.
Double colonnade - Salle capitualre - Enfeu et armarium
Pour entrer dans l’église abbatiale Il faut sortir de la salle capitulaire, longer un bout de colonnade où se trouve, outre l’emplacement d’un enfeu, une étroite niche qui abritait quelques incunables,. Je me plais à imaginer pour quelques moines un temps de prière une fois la porte franchie, pour d’autres le départ vers les travaux des champs avec quelques frères convers, d’autres peut-être arpentant le cloître en médiation silencieuse …Je lève les yeux et reste ébahie par l’imposante nef sous laquelle je me trouve en entrant dans l’église. Sa majesté remplit le vide du lieu. Il ne reste rien de sa magnifiscence passée, les murs sont nus, le sol en terre battue, pas de mobilier, rien si ce n’est l’harmonie de ses proportions et la remarquable sobriété de son architecture. Les pierres de taille sont soigneusement agencées et la qualité de l'acoustique est remarquable. Construite de 1142 à 1160 elle a été endommagée aux XIVe et XVIe siècles. Du temps de sa splendeur au XIVe siècle, le sol était couvert d'un étonnant carrelage de type azulejo….
Voûtes plein cintre - nef centrale en berceau brisé
Les travaux de restauration s’annoncent longs pour que l’abbaye puisse présenter au visiteur un visage où se liront sept siècles d’apports et modifications . Les efforts actuels laissent présager une renaissance partielle qui en fera un beau fleuron touristique et culturel.
Bibliographie
Brochure « Guide de visite » Abbaye de l’Escaladieu
https://www.abbaye-escaladieu.com/
Photos personnelles
Le Château de Valmirande
C’est sur la route de Lannemezan près de Montréjeau, à la limite de la Haute Garonne et des Hautes Pyrénées que se trouve le château de Valmirande, inattendue perle néo-renaissance du domaine.
Lorsque le visiteur le découvre après avoir parcouru quelques centaines de mètres dans le parc d’entrée aux arbres centenaires, l’image des châteaux de la Loire s’incarne dans son imposante et harmonieuse architecture.
Son histoire a commencé lorsque Bertrand de Lassus âgé de 24 ans, héritier l'immense fortune de sa mère provenant de banquiers, cofondateurs puis directeurs de la Caisse d'Épargne et régents de la Banque de France, fait construire à partir de 1892, cette somptueuse construction avec sa chapelle, de grands parterres et un parc au cœur d’un domaine de 41 hectares. En cinq ans le château est terminé ainsi que les dépendances où logent une cinquantaine de familles chargées de l’exploitation des terres et de l’entretien du château. Profondément croyant le jeune baron estimait qu’il devait remercier le Seigneur pour sa fortune en procurant à ses employés une vie sans misère à une époque où celle-ci régnait en maîtresse aux alentours. L'édifice a été habité dès avril 1899 année du premier camp pyrénéen du baron le camp des Gentianes : quatre tentes et du matériel montés avec sept ânes et quatre chevaux, jusqu'aux rives du lac des Gentianes, en face du glacier d'Ossoue.
Bertrand de Lassus est en effet un pyrénéiste convaincu et passionné qui donnera l’assaut à 130 pics et positions notables le tout répertorié et photographié par son photographe personnel et ami. Les précieux documents ont tous été développés dans la maison du photographe une des dépendances du château. J’ai regardé avec mélancolie ces paysages de montagne d’une beauté âpre trop souvent altérée aujourd’hui. Ce même sentiment m’a suivie en visitant les écuries du château gardiennes des box en acajou et marbre, luxueux et fonctionnels portant encore les noms des montures.
J’ai aimé imaginer la vie des familles installées dans leurs habitats au style bigourdan car le baron ne pouvait laisser au loin l’architecture de son enfance. Homme de son siècle il n’hésita pas à moderniser les dépendances si bien qu’électricité, chaufferie, hydraulique contribuaient à leur confort au même titre que le château.
Dépendances
Bertrand de Lassus est aussi un personnage éminemment romantique : il adore être photographié, dans des mises en scène élaborées, costumé de toutes les façons possibles, en montagnard, en explorateur, en espagnol, contrebandier, dans des poses martiales. Son amour pour les Pyrénées ne se démentira jamais tout au long de sa vie brisée à 41 ans par une crise cardiaque
Le château est toujours habité par la famille de Lassus c’est pourquoi l’intérieur ne se visite pas mais il est possible d’avoir accès à la chapelle privée, écrin précieux pour les offices qui s’y célèbrent. Ici l’acajou succède au teck des boiseries du château. Marbres, dorures, vitraux chatoyants renvoient à la Sainte Chapelle de Paris.
Entrée principale (extérieur et intérieur)
Flâner autour du château invite à une promenade dans les jardins à la française l'un au Nord, l'autre au Sud à partir duquel on découvre la chaîne pyrénéenne en toile de fond. La promenade devient romantique près du lac magnifiquement arboré où le baron aimait se rendre. Le parc et les jardins ont été classés « Jardin remarquable » en 2017 tant les 180 espèces présentes imposent leur majesté et diversité au visiteur. On ne peut quitter le domaine qu’en ressentant admiration pour cette « folie » qui depuis plus d’un siècle transmet l’héritage d’un homme amoureux d’une création à la fois belle et rentable, préservée et transmise jusqu’à nos jours.
Parterre , lac et parc
Bibliographie :
Feuillet d’information « Valmirande »
Photos personnelles