La pause touristique sur Albi faisait partie de mon programme estival et succédait à la visite de Montauban la si longtemps rebelle . Le centième anniversaire du Musée Toulouse-Lautrec était l’occasion de retrouver la ville et surtout un lieu rénové à l’affiche prometteuse : « Centenaire du Musée : rencontre Lautrec – Degas ».
Bien qu’impatiente de rejoindre le somptueux palais épiscopal qui abrite le Musée, j’ai d’abord fait un crochet par l’imposante Cathédrale Ste Cécile toute proche. Ce n’était pas la première fois que je m’y attardais, tant il et vrai qu’elle n’est similaire à aucune autre. C’est la plus grande église de brique au monde, austère et massive de l’extérieur, d’une richesse ornementale extrême à l’intérieur. Cette « forteresse de Dieu » nait de la volonté de l’évêque- cardinal Bernard de Castanet qui, par elle, veut réaffirmer l’éradication du catharisme et le triomphe de la foi catholique. Serviteur zélé de la papauté, il établira l’Inquisition dans sa ville et éliminera grâce à elle tout ennemi du pouvoir épiscopal. La construction de la cathédrale durera un siècle (1282-1383) ce qui explique son unité architecturale et aussi son originalité par rapport aux cathédrales du Nord de la France.
"La forteresse de Dieu"
Longer les murs-murailles de la cathédrale Ste Cécile, lever la tête à l’extrême pour atteindre du regard ses sommets, entrer par le porche-baldaquin Renaissance tout en pierre, fait partie du jeu qui rend encore plus surprenante la rencontre avec l’intérieur.
D’abord l’immense nef, multicolore, aux bleus profonds rehaussés d’or, recouverte d’un foisonnement de motifs, et au fond l’autel flanqué de part et d’autre d’une fresque hallucinante surmontée d’un orgue monumental. Cet orgue (1734-1736) est un des plus grand de France avec plus de 3000 tuyaux…Drôle d’impression ce jour-là en voyant se détacher de l’autel un cortège de prêtres venus célébrer le début de l’année liturgique sous le regard d’anges, de démons, de ressuscités et damnés peints ici pour illustrer « le jugement dernier ».
Chapelles latérales et fresque centrale
Les parentés stylistiques avec les peintures italiennes et flamandes de l’époque sont évidentes. Sur 18m de large et 15m de hauteur la fresque réalisée entre 1474 et 1480 présente côté sud le paradis et sa kyrielle d’élus, côté nord l’enfer et ses hordes démoniaques. En partie basse 7 compartiments détaillent le ssupplices liés aux 7 péchés capitaux :
Les orgueilleux subissent le supplice de la roue, les envieux sont plongés dans les eaux glacées, les coléreux découpés en morceaux, les avares cuisent dans un métal en fusion, les gloutons mangent des bêtes répugnantes, les luxurieux brûlent…pour les siècles des siècles !
Heureusement il suffit de lever les yeux pour se perdre dans les cieux or et azur qui recouvrent les voûtes comme une promesse de Paradis…
Voûte et jubé
Et maintenant je longe l’incroyable jubé de la cathédrale avant de m’arrêter devant la chapelle de Ste Cécile, ornée d’une représentation nature de la sainte agonisante. Ste Cécile ne veille sur Albi que depuis le XIII° siècle lorsque ses reliques furent ramenées de Rome par un seigneur tarnais. Condamnée à mort sous Alexandre Sévère en 232 en raison de sa foi militante, elle ne succomba qu’après trois tentatives de décollation.
Ma visite achevée je traverse la place qui sépare la Cathédrale du Palais Episcopal de la Berbie où se trouve le Musée Toulouse -Lautrec. Symbole de la puissance des Évêques d’Albi qui le firent construire au XIII° siècle (épiscopats successifs de Durant de Beaucaire et Bernard de Compbret), la bâtisse se présente comme un bastion militaire défensif, massif et hermétique. Son nom dérive de l’occitan « Bisbia » qui signifie tout simplement « évêché ».
Les prélats qui se succèdent de la Renaissance au XVII° siècle l’agrandissent et le transforment en un palais d’agrément avec salons d’apparat, longue galerie couverte et remarquables jardins à la française surplombant le Tarn. Difficile d’imaginer qu’avant ces modifications la Sainte Inquisition y officiait avec zèle.
Le Palais de la Berbie, bijou d'Albi
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Comme au Musée Ingres de Montauban l’exposition temporaire se situe au rez-de-chaussée. Plus de 80 œuvres issues de prêts important font dialoguer les œuvres de Toulouse-Lautrec et d’Edgar Degas et il est facile de voir à quel point le jeune artiste accepte et transcende l’influence du Maître
Degas : le nu, le geste, la fille, l'animal
Dessins et esquisses pour capter le geste juste d’une danseuse, regard furtif pour surprendre l’instant d’une intimité troublante, un recoin dans une maison close, l’élégance ou la hardiesse d’un cheval..
Le nu, le geste, la fille, l'animal
Trente ans séparent les deux peintres mais ils partagent les mêmes cercles artistiques et ont des amis communs. Ils sont installés dans le même quartier parisien et fréquentent cafés, maisons closes, théâtres, cirques, opéra, illustrant la vie moderne de leur temps, explorant les nouveaux médiums, proposant des formats et points de vue audacieux. Le Musée regorge d’œuvres de Toulouse-Lautrec depuis qu’en 1922 les ayants-droits du peintre ont légué la totalité de leur collection. De salon en salon toutes les facettes de son génie si particulier s’exposent et je m’arrête longuement devant ses fameuses affiches qui me révèlent les gloires de la Belle-Epoque .
Les affiches...
Au gré d’un parcours improvisé je découvre prostituées, travailleuses, portraits, œuvres de jeunesse, paysages, animaux. ..
Un florilège
et reste médusée par le raffinement du vestibule permettant l’accès aux collections d’œuvres d’artistes qui furent amis ou contemporains de Toulouse-Lautrec. Le temps manque pour une promenade dans les jardins du Palais. L’occasion de revenir …
Sources :
Brochures du Syndicat d’initiative de la Ville d’Albi et du Musée Toulouse Lautrec
Photos personnelles