Nous voici en automne…celui-ci s’annonce sous d’inhabituels et menaçants auspices après un été brûlant ouvert néanmoins à d’heureuses découvertes. J’évoquerai ici l’enchantement que j’éprouvais en visitant Montauban et Albi toutes proches de Toulouse et comme elle marquées par l’Histoire et l’Art.
D’abord découvrir la ville de MONTAUBAN en touriste !
« Le Petit Train » est là pour ça. Une promenade en voiture découverte, à l’allure bonhomme et un peu chaotique, démarrée au pied de l’Ancien Collège des Jésuites imposante architecture de briques rouges. Tout au long du parcours la couleur de la brique des bâtis s’impose et Montauban m’apparait bien plus rose que Toulouse et, par son histoire, bien plus rouge !
La brique montalbanaise
Les entrelacs des ruelles du cœur de la ville près de l’harmonieuse place Nationale me plongent au-delà de leur charme touristique, dans un passé qui connut bien des tourmentes. La ville fut fondée en 1144 sur ordre du comte de Toulouse Alphonse Jourdain. Elle devait être une place forte à la limite des terres « moundines » et contrôler le commerce fluvial du Tarn. L’hérésie cathare qui se développait dans le territoire comtal amena la « Croisade des Albigeois » et son lot de saccages. Sous le Comte Raymond VII la place forte montalbanaise fut démantelée mais repris du service au XIV° lors de la Guerre de Cent ans qui opposa la France et l’Angleterre. Les Anglais occupaient la région et voulaient s’assurer du contrôle du Tarn à Montauban. Défaites les troupes du « Prince Noir » ne finirent pas la reconstruction du fort qui devint deux siècles plus tard le refuge des Réformés lors des Guerres de Religion qui embrasèrent la France. Après un siècle de résistance Montauban-la-Protestante se soumit aux armées de Louis XIII qui l’assiégeaient menées par Son Éminence le Cardinal Duc de Richelieu (1629). Pour marquer symboliquement la victoire de l’Église Catholique sur la Réforme l’évêque Pierre de Bertier fit construire son imposant Palais Épiscopal sur les ruines de l’ancien fort. Les travaux débutèrent en 1664 pour se terminer 1680.
Ce Palais devenu musée dès 1821 et excellement réaménagé depuis 2019 allait me proposer une flânerie artistique et architecturale riche en découvertes. Il est vrai que deux fois centenaire ce musée s’est régulièrement enrichi de dons et d’œuvres grâce à ses mécènes, le plus illustre étant Ingres à qui il doit son nom éponyme. En 1867 le peintre lègue à sa ville natale, outre son cher violon, l’ensemble des œuvres de son atelier, sa collection de peintures et sculptures, plus de 4000 dessins personnels…
En 1913 le Musée Ingres occupe l’ensemble du palais et bénéficie au cours des décennies suivantes d’œuvres de sculpteurs comme Camille Claudel, Paul Belmondo, Maillol, mais surtout Bourdelle ce qui justifie son nom « Musée Ingres Bourdelle » : MIB pour les intimes ! Le premier sous-sol leur est consacré. Ses dimensions plus que respectables permettent un parcours aisé d’une œuvre à l’autre et aussi autour des sculptures pour en saisir la perfection sous tous les angles . Je m’autorise une caresse furtive …
Les sculptures de Bourdelle
Au premier étage Ingres est Roi ! Mais avant de le rencontrer les œuvres de ses élèves accueillent le visiteur ainsi que quelques tableaux de facture romantique. Les peintures d’Ingres occupent la chambre de l’Evêque, l’Alcôve, le Salon aux majestueuses proportions… Une place spéciale est faite à la vitrine contenant son violon et quelques objets de son quotidien.
Ingres, peintures et violon
Pour continuer la visite et monter au second étage il y a bien un magnifique escalier en pierre qui relie depuis le rez-de-chaussée les étages entre eux, mais l’ascenseur est bien tentant ! Je délaisse donc marches et balustres preuves d’une magnificence séculaire…
C’est à cet étage que se trouvent protégés dans leurs casiers-présentoirs , les milliers de dessins du peintre, copies d’antique, quadrillés, esquissés ou aboutis, croquis rapides à main levée…étourdissante foison !
Etudes
Un clin d’œil sur des peintures anciennes et les peintres modernes aux atmosphères méridionales puis un dernier rappel malicieux du Maître avant d’aller découvrir au rez-de-chaussée l’exposition temporaire «Picabia pique à Ingres »
L’Exposition au titre déroutant propose une rencontre inattendue entre Ingres chantre de l’académisme et Picabia dadaïste farfelu dont l’anticonformisme choisit le ripolin, peinture industrielle, pour ses œuvres. Un temps impressionniste, fauviste, puis cubiste, et surréaliste, c’est dans le mouvement Dada (1918) qu’il libère son art satirique et provocateur. Il se revendique « anti tout », se révolte contre les valeurs esthétiques en place et promeut la liberté absolue dans l’art. Ainsi armé Picabia va réinterpréter quelques œuvres marquantes du Maître montalbanais. L’exposition les présente côte-à-côte ou face-à-face, en miroir…approche très pédagogique qui permet de comprendre la démarche de l’iconoclaste ! Néanmoins c’est un nu de facture classique qui m’a fascinée par la perfection de ses lignes et sa palette subtile…
"Picabia pique à Ingres"
J’ai éprouvé une fascination semblable au second sous-sol, non pour l’installation contemporaine qui y était présentée mais pour le splendide volume de ce sous-sol moite aux grandes voûtes en berceau brisé qui s’enfoncent dans une profondeur obscure… cheminées monumentales richement décorées aux armoiries de quelques puissants, table et instruments de torture, grands blocs de pierre sculptés, canons d’artillerie, ouvertures grillagées de couloirs menant au dehors ou peut-être vers des cachots…Le passé au présent comme point d’orgue à ma visite !
Salle du Prince Noir
Crédits
https://Museeingresbourdelle.com
https://www.montauban-tourisme.com/
Photos personnelles et du net