Cette visite fait suite à la découverte du Château de Pennautier évoquée dans mon précédent blog. Les organisateurs de la sortie de fin d’année des Toulousains de Toulouse nous avaient réservé un joli point d’orgue …
Impossible de visiter l’Abbaye de Lagrasse sans tenir compte de son histoire plus que millénaire . En effet depuis 1200 ans, au cœur des Corbières et de ses garrigues, en suivant le cours sinueux de l’Orbieu, l’abbaye Sainte-Marie veille sur le village de Lagrasse qui a reçu il y a quelques années le label « Beau Village de France ».
Cette abbaye bénédictine, fondée à la fin du VIIIe siècle, sous la protection de l’Empereur Charlemagne, est l’une des plus importantes de la région. La légende de Philoména, manuscrit du XIIIe siècle, relate sa fondation légendaire par l’empereur et la consécration miraculeuse de l’église abbatiale par le Christ lui-même !
Le monastère de Lagrasse enrichi par de multiples donations des rois carolingiens comme des comtes catalans, connaît rapidement la prospérité. Au début du XIIe siècle, une centaine d’églises et près de dix monastères, allant du Bas Languedoc jusqu’à Saragosse, sont sa propriété.
Lors de la Croisade des Albigeois((1209-1229) l’abbaye tente d’apaiser la situation ses abbés faisant office de médiateurs entre les villes « cathares » de Carcassonne et Béziers et la couronne de France et l’Eglise d’autre part.
Combats et châtiment des prisonniers cathares
L’hérésie vaincue, l’abbaye connaît son apogée à la fin du XIIIe siècle, sous l’impulsion d’Auger de Gogenx, abbé de 1279 à 1309. On doit à ce réformateur, les constructions médiévales ouvertes aux visiteurs.
C’est une élégante cour présentant une galerie basse donnant accès aux communs et une galerie haute soutenue par de belles colonnes à chapiteaux sculptés qui ouvre la visite. Le plus insolite dans cette cour d’honneur abbatiale est bien la présence de la luxure représentée sur un des chapiteaux.
Cour du palais abbatial, détail de chapiteau, armoiries de l'Abbé Auger
L’Abbé Auger recevait ses hôtes par la galerie supérieure où donnaient ses appartements privés aux plafonds lambrissés, ornés de ses armes , et aux murs rehaussés de peintures. Cet étage abrite la chapelle abbatiale accessible aux visiteurs de marque à partir d’une antichambre entièrement décorée mais aussi visible à partir du dortoir des moines, un chef d’œuvre d’architecture. C’est un véritable vaisseau aux voûtes en berceau brisé caractéristique du gothique méridional qui offre sa perspective au visiteur.
Dortoir et détail de la voûte
Juste en dessous un cellier d’un seul tenant et de mêmes dimensions accueillait les victuailles nécessaires à la communauté et à ses hôtes. Les murs de pierre sont ceux de fortifications, épais de plus d’un mètre, assurant protection mais aussi une température constante d’une vingtaine de degrés
Il va sans dire que la richesse de l’abbaye faisait des envieux surtout en temps troublés comme ceux de la Guerre de Cent Ans (1337-1453) qui opposa les princes Plantagenet et Valois pour les royaumes de France et d’Angleterre. Soucieux de protéger vie monacale et richesses les moines se retranchèrent derrière leurs murailles initiant ainsi une période de déclin qui dura plusieurs siècles. Néanmoins au XVIIe siècle, l’abbaye connut un renouveau spirituel avec l’introduction, en 1662, de la réforme de Saint-Maur. C’est à cette époque que fut construit un clocher de plus de 80 mètres aujourd’hui en voie de restauration.
5 minutes pour mieux connaître...
En 1796 la Révolution Française dispersa les religieux et partagea l’abbaye devenue « bien national » en deux lots pour les vendre aux enchères alors qu’ils avaient été vidés de leurs richesses et en partie vandalisés. L’abbaye connut alors deux siècles d’errance et ce n’est qu’en 1923 qu’elle fut classée Monument Historique. La partie la plus ancienne est aujourd’hui la propriété du Département de l’Aude qui y organise visites et évènements culturels. Depuis 2004 la communauté religieuse des Chanoines Réguliers de la Mère de Dieu qui suivent la règle de Saint-Augustin occupe le second lot dont elle est propriétaire. Elle assure la vocation religieuse du bâtiment, sa réfection et aussi visites ou retraites d’anonymes comme de personnalités. Dernièrement s’y retrouvèrent Beigbeder le philosophe, mais aussi Sylvain Tesson l’aventurier ou Simon Liberati le journaliste. En 2021 le livre collectif « Trois jours et trois nuits » rassemble leur témoignage ainsi que celui de quatorze écrivains dont Michel Onfray, Houellebecq …accueillis par les chanoines de Lagrasse
Notre excursion ne prévoyait pas la visite de cette partie, c’est donc sur un goût de « revenez-y » que j’ai quitté ces lieux majestueux et chargés d’histoire.
Sources :
https://www.payscathare.org/les-sites/abbaye-et-cite-medievales-de-lagrasse
https://www.lagrasse.org/decouvrir-labbaye/histoire-de-labbaye/
http://jeanmarieborghino.fr/labbaye-sainte-marie-de-lagrasse/
Guide de visite Lagrasse (PDF)
Article du Nouvel Observateur du 21 décembre 2021
Crédits :
Images du Net
Photos personnelles