Mon regard portera sur trois expositions présentées à Toulouse, deux juste effleurées et la troisième comme terrain propice à ma curiosité.
Côté Bazacle : Van Gogh en immersion
Consommée comme un spectacle l’exposition immersive sur Van Gogh ne m’a pas ouvert des horizons nouveaux. Installée dans l’Espace EDF du Bazacle connu de tous les toulousains, elle occupait en projections numériques ininterrompues, tout l’espace du sol au plafond de la grande salle dédiée aux expositions. Plus de 300 croquis, dessins, peintures, portraits, léchaient les murs durant une heure sous les yeux médusés d’un public confortablement installé sur des chaises-longues. Ce spectacle continuellement en mouvement, haut en couleurs sur fond musical permanent concrétise le projet de ses concepteurs : démocratiser l’accès à la culture par le biais d’un divertissement conçu grâce aux technologies du numérique.
Côté CEMES : une création contemporaine
Le second clin d’œil est pour l’exposition de quelques œuvres d’une jeune artiste, à mi-chemin entre abstraction et formes organiques, réalisées avec des matériaux divers dont des néons. La « Boule » du CEMES (Centre d’Elaboration de Matériaux et d’Etudes Structurales) les a abritées quelques semaines au pied de l’accélérateur d’électrons toujours présent sous la voûte de ce qui fut le plus grand microscope électronique de son temps, inauguré par le Général De Gaulle en 1959 et en activité jusqu’en 1991. Un magnifique et imposant écrin qui magnifiait les œuvres exposées et éclairait leur sens.
Côté Les Abattoirs : « Niki de Saint Phalle »
Mon dernier regard rétrospectif vagabondera dans l’ exposition consacrée à Niki de Saint Phalle artiste reconnue et inclassable de l’Art Contemporain.
Je me rappelle l’éblouissement ressenti dès mon entrée dans la grande nef du musée. Je venais d’une journée hivernale, grise et froide, et d’un coup, après avoir franchi un rideau de scène monumental fait d’un assemblage de « Nanas » baudruches, une avalanche de couleurs chaudes et scintillantes. J’étais projetée d’emblée dans l’univers artistique de Niki de St Phalle.
En comité d’accueil un énorme dragon « Le monstre du Loch Ness », pas du tout inquiétant, aux formes arrondies, couvert de facettes-miroirs comme autant de petits soleils, mêlés à une infinitude de brisures de céramiques multicolores appelées « trencadis » du nom donné à cette technique par le très créatif catalan Antoni Gaudi « l’architecte de l’imaginaire ».
Près de lui des statues brillantes et colorées semblables à des totems. Des Nanas enjouées, grandeur nature qui nous invitent à entrer dans la première salle peuplée d’un bestiaire particulier à l’artiste où prédomine la figure d’un serpent mi-lové, mi-dressé, la gueule ouverte. Suis-je devant le Tentateur biblique ou devant l’emblème du Caducée ? … Niki de Saint-Phalle aime la figure de cet animal qu’elle transforme au gré de sa fantaisie en fauteuil, en maquillage sur son visage, en contenant de parfum…
Toujours en courbes viennent dans la salle suivante les Skinnies, fines tubulures multicolores, aux formes parfois humanoïdes, qui jouent avec l’espace des parcs et jardins pour lesquels elles ont été conçues.
Puis vient l’évocation du grand œuvre de Nicki de Saint -Phalle « Le Jardin des Tarots », dont la réalisation s’étale sur les vingt années présentées par cette exposition intitulée « L’art en liberté : les années 1980 à 1990 ». Statues, maquettes, photos, croquis donnent une idée de cette création que l’on peut visiter en Toscane. Les figures symboliques souvent ambivalentes du Tarot de Marseille sont un sujet parfait pour l’artiste qui les traduit en sculptures recouvertes de céramiques polychromes, mosaïques de miroirs, verres précieux…
L’impératrice, le soleil, la lune, le diable… Monumentales certaines d’entre elles peuvent servir de terrain de jeux, de cachettes, d’habitation. L’artiste vivait dans l’Impératrice au cœur d’un décor féerique né de son imagination, pendant que les travaux se poursuivaient.
Sans doute Niki devait-elle se sentir comme une princesse sein de son palais. Née Catherine Marie-Agnès Fal de St Phalle elle est la descendante d’une lignée de Croisés par son père, banquier français installé à New-York, sa mère étant issue d’une famille fortunée de planteurs du Sud. La crise de 1929 les ruine…La petite fille est élevée par « Nana » sa nounou et répond désormais au prénom que lui donne sa mère Niki. A 17 ans devenue une très belle jeune fille elle entame une carrière dans le mannequinat. Mariée à 18 ans et mère de famille elle continue de poser régulièrement pour Vogue ou Life Magazine jusqu’à ce que en 1941 elle s’installe à Paris et s’oriente vers une carrière artistique interrompue en 1953 par une grave dépression et son internement : « J'ai commencé à peindre chez les fous… J'y ai découvert l'univers sombre de la folie et sa guérison, j'y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l'espoir et la joie1
Dix ans après, divorcée et amante de l’artiste cinétique Jean Tinguely, elle s’impose dans l’Art Contemporain par ses œuvres « Tirs », performances durant lesquelles l’artiste tire à la carabine sur des poches de peinture, éclaboussant de couleurs les tableaux préparés à cet effet. La violence de cet acte artistique traduit son rejet des contraintes ou impositions sociales, mais aussi des injustices ou du malheur. Elle dira « Tir se situe avant le Mouvement de libération des femmes. C’était très scandaleux de voir une jolie jeune femme tirant avec un fusil et râlant contre les hommes ».
Dans une salle réservée à cet effet l’exposition fait découvrir par photos, archives télévisuelles et extraits d’écrits autobiographiques, les œuvres de jeunesse de l’artiste mais aussi son secret, l’inceste subi dans son enfance et le cri adressé à sa mère au décès de son père: « Bonne nouvelle, Papa est mort ! ». Le militantisme de Niki de Saint Phalle trouve ses origines dans son enfance. A travers une œuvre complexe et originale, elle se montrera féministe convaincue, ferme soutien des minorités noires, lanceuse d’alerte face au Sida, écologiste précoce, gardienne de l’imaginaire …
Pendant des décennies, l’artiste a travaillé avec divers matériaux au mépris des règles de sécurité et a inhalé des vapeurs toxiques. Son art a miné sa santé : elle s’est éteinte en 2002, à l’âge de 71 ans, des suites d’une insuffisance respiratoire chronique et inguérissable.
Sources
https://blog.artsper.com/fr/la-minute-arty/10-choses-savoir-niki-saint-phalle/
Photos personnelles et du Net