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Henri Guérin : Artiste Peintre- Verrier (1929-2009)

Voici le deuxième volet du diptyque où j’évoque deux célèbres verriers toulousains dont j’ai pu admirer l’une ou l’autre oeuvre. Une de mes amies m’a confié pour cette page les documents qu’elle gardait sur Henri Guérin, cet artiste de notre temps au talent intemporel passé maître dans l’art de nous révéler la lumière par l’éclat de ses vitraux et verrières.

 

La patience de la main....

 

Né en 1929 à Bruges, dans le Béarn, Henri Guérin passe sa jeunesse à Saint-Prix, près de Paris. Tombé gravement malade, il est en convalescence à Font-Romeu, et dira bien des années plus tard : Ce fut la maladie qui en me retirant du monde me fit découvrir par le silence, la lecture ,la musique, que le monde était vaste, qu’il existait en dehors de moi infiniment » . La poésie s’ouvre à lui : il écrit. Son recueil “La Corbeille à papier” est publié par Pierre Seghers en 1955  tandis qu’il commence à dessiner et à créer des tableaux en “tissus collés” exposés aussitôt à Toulouse où il venait de se marier. Cette même année à l’abbaye bénédictine d’En Calcat dans le Tarn, il rencontre Dom Ephrem Socard qui l’initie à l’art et surtout à la technique du vitrail en dalle de verre de deux à trois centimètres d’épaisseur. Cinq années d’apprentissage qui furent une étape décisive pour sa foi et son art. Son maître bénédictin avait très vite soupçonné en lui l’artiste en devenir et ne manqua pas de lui rappeler au terme de son enseignement : « Vous savez tout, mais vous n’aurez pas trop de toute une vie pour apprendre.

Vitrail d'Henri Guérin (Abbaye d'En Calcat)

 

En 1961, père de 5 enfants, Henri Guérin s’installe avec sa famille à Plaisance-du-Touch, près de Toulouse. De son atelier  ouvert sur un jardin, sortiront plus de 500 vitraux pour des églises, des édifices publics et des demeures privées. Sa renommée dépasse les frontières françaises mais c’est par deux églises paroissiales toulousaines qu’a commencé son œuvre vitrail: l’église du Sacré Cœur à la patte d’Oie et l’église Ste Thérèse à la Côte Pavée. Sa palette est alors à dominante de rouges et de bleus. Il réalise ensuite  les verrières du nouveau couvent des Dominicains à Rangueil  où apparaissent sur un fond clair des bleus sombres, des bruns rehaussés de pourpres. Notre-Dame de l’Assomption aux Minimes, Saine Madeleine de Lalande, l’église du St Esprit à Bagatelle reçoivent ses œuvres. Pour cette dernière l’artiste s’adapte parfaitement à l’architecture moderne et fait évoluer sa palette vers des teintes dorées, des bleus clairs, des mauves dans des compositions fluides rythmées par des joints en ciment. En 1993 il réalise pour l’Institut Catholique de Toulouse une rosace de 2,30 m de diamètre qui surmonte le nouvel orgue de l’Institut. Cinq années plus tard l’hôpital Joseph Ducuing lui commande le grand vitrail de son espace multiconfessionnel.

Verrières
Verrières
Verrières
Verrières
Verrières

Verrières

Travailleur infatigable, artiste inspiré, son œuvre ne se limite pas à son activité de maître-verrier puisqu’une abondante œuvre sur papier ainsi que la création de tapisseries d'Aubusson en disent long sur sa fécondité. De nombreuses expositions collectives et personnelles jalonnent son parcours. Ses écrits publiés dans des revues, catalogues ou actes de colloques prolongent sa réflexion sur son activité créatrice. Deux albums de dessins et textes ont été édités par les Éditions de La Porte du Sud : “Les Arbres” (1984, coll. Le Goût du Dessin) et “Pèlerin au Mont Saint-Michel” (1992). En 1996, son ouvrage “Patience de la main” paraît aux Éditions du Cerf (Paris). L’artiste y livre sa réflexion sur sa pratique.

Le dessin et la natureLe dessin et la natureLe dessin et la nature

Le dessin et la nature

À chaque fois renouvelée, toujours induite par le lieu, l’inspiration guide la main de cet artiste qui réalise seul l’intégralité de ses vitraux, imaginant, peignant, dessinant les maquettes, découpant les cartons et les verres choisis pour tailler dans ces derniers des éclats multicolores, eux-mêmes nuancés par une nouvelle taille, fine et minutieuse qui diffusera la lumière. Les éclats de verre sont assemblés par des joints qui entrent dans l’expression et la composition de l’œuvre : « Je suis un peintre qui ne fait pas de peinture de chevalet. […] J’aime les métiers, j’ai besoin du travail de la main pour dominer un matériau, maîtriser une technique. Le travail de tous les jours me le confirme. La patience des mains enfante l’esprit, l’œuvre naît en grande partie du respect des contraintes, l’exigence les appelle. Je crois que la liberté créatrice s’aiguise par les limites du matériau, et le jaillissement en est d’autant plus fort que plus étroit est le chemin des possibles » (Henri Guérin, Un peintre-verrier revue Axes).

Vitraux d'églises (St Martin Cerilly , Wimereux, Retournac
Vitraux d'églises (St Martin Cerilly , Wimereux, Retournac
Vitraux d'églises (St Martin Cerilly , Wimereux, Retournac

Vitraux d'églises (St Martin Cerilly , Wimereux, Retournac

Son travail est marqué par des thèmes récurrents, puisés dans le regard  qu’il porte sur la nature : « L’harmonie du monde végétal comme sa puissance et sa complexité n’ont jamais cessé de m’attirer…face à un paysage ou un arbre, j’accueille son silence, j’observe longuement, j’observe encore. Tout doucement naissent les lignes de force, les silences des clartés, les rythmes des ombres... Les rythmes captés s’inscrivent en moi tout au long de mes campagnes de dessins et je les retrouve en atelier au moment de la taille directe de mes œuvres pour un vitrail ».

Vitraux
Vitraux
Vitraux
Vitraux

Vitraux

Dès le milieu des années 1970 il part à la rencontre des paysages qui inspirent ses dessins au même titre que sa foi chrétienne. Son amour des arbres  est inconditionnel car « sous l’arbre le plus méconnaissable il y a quelque chose de l’impalpable aile des anges ». Vingt ans après il résume toute sa démarche de dessinateur dans son texte « Pèlerin du Mont » écrit à l’occasion de sa campagne de dessins dans la baie du Mont Saint Michel.

Sur le papier, dans la laine, dans la dalle de verre, Henri Guérin pose sa touche d’une extrême justesse. Vitraux et tapisseries voisinent avec des œuvres sur papier de petits formats, dessins, gouaches, lavis. Toutes sont emplies de vibrations, de jeux de lumières et d’ombres. Entre opacité des joints de ciment et clarté des verres blancs, entre noir de l’encre de Chine et réserves lumineuses des dessins et des gouaches, se déploient les harmonies colorées d’une palette ouverte. Toutes ces créations sont issues du travail des mêmes mains, sur plus d’un demi-siècle, de 1954 à 2009.

TapisseriesTapisseriesTapisseries

Tapisseries

L’artiste illustre cette  patience de la main  par la variété de ses œuvres et supports qui tous accordent une grande importance à la lumière d’où des titres comme Lumière lointaine, Lever du jour…Les textes de l’artiste nous invitent à partager sa réflexion sur l’acte créateur. C’est le soir, après sa journée de travail à l’atelier qu’il rédige ses « méditations ». Il les définit comme sa « musique de chambre »intime bercée par la musique classique qui enveloppe ce temps à la fois recueilli et fécond. C’est dans cette intimité qu’Henri Guérin a réalisé les quatorze lavis qui composent son Chemin de Croix sans schéma préalable et sans repentir, après avoir médité le texte de Claudel et dans l’écoute des «  Sept dernières paroles du Christ », le quatuor de Haydn.

Il dira  « Je n’aime pas qu’on parle d’"artiste chrétien", on ne parle pas d’un pharmacien ou d’un boucher chrétien ! Je suis un artiste qui essaie de vivre sa foi. Il est vrai que j’ai une vocation à la louange, et que peut-être certains artistes contemporains sont plus témoins que moi de l’horreur et de l’infamie de notre monde. Ma vocation est d’appeler à l’Espérance plus qu’au désespoir …Mon seul pouvoir est de créer des images, avec du verre pour le vitrail, avec de l’encre sur du papier. J’ai toujours pensé que ce pouvoir, cette force, ce don, je l’avais reçu dès ma naissance, héritage mystérieux pour un enfant aux origines paysannes. »

 

Chemin de Croix (lavis)Chemin de Croix (lavis)

Chemin de Croix (lavis)

A sa mort, en octobre 2009, pour ce grand croyant, maître de la couleur et de la lumière,  la Dépêche du Midi  titrera sobrement et avec émotion " Henri Guérin a rejoint la lumière". 

 

Henri Guérin : Artiste Peintre- Verrier (1929-2009)
Henri Guérin : Artiste Peintre- Verrier (1929-2009)
Henri Guérin : Artiste Peintre- Verrier (1929-2009)

Bibliographie :

L'Auta (Bulletin de l'Association "Les toulousains de Toulouse" Sept.2012)

La Dépêche (27 Oct 2009)

Sites dédiés :

www.henri-guerin.com

https://henriguerin.com

Images du Net

En point d'orgue à cet article la parution de la lettre de Geneviève Furnemont du lundi 30 novembre 2020, conférencière à Toulouse, consacrée aux réalisations de maîtres verriers contemporains dans églises ou abbayes :

 

https://mailchi.mp/b42b41c19db6/confrences-et-voyages-2859746?e=ad8cf3e8ec

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