Depuis plusieurs années j'assiste à un certain nombre de conférences que notre ville propose .Ce blog va de temps à autre, devenir le dépositaire de mes coups de coeur. Parmi eux, le cycle de conférences sur l'Art qu'anime Mme Sylvie Correler , Directrice de la Fondation Ecureuil pour l'Art Contemporain.Tout en écoutant je prends des notes (vieille habitude d'étudiante) puis selon l'envie, les rédige et illustre grâce au Net. Je me propose aujourd'hui d'en faire le partage et vous invite à découvrir la grandeur et décadence du corps humain dans l'histoire de l'Art occidental.
Conférence de Mme Correler Espace Ecureuil le 15 mai 2014
Notes rédigées par Montserrat Noé
Le corps
Les œuvres sont liées à l’époque qui les a vu naître ainsi que le regard qu’on leur porte. La notion de « corps » à changé au cours des âges et est absolument lié à la culture ( représentation, nudité, sexualité).
L’occident chrétien s’est battu pour le droit à la création de l’image du corps puisque ‘Dieu a crée l’homme à son image ». L’œuvre se devait de représenter l’homme à l’image de Dieu et 90% de la production artistique représente le corps. Cette représentation a comme première fonction de montrer la part divine du corps ce dernier étant le « miroir de l’âme »
Exemple : Icône byzantine
Dans la culture occidentale on trouvera en permanence la bataille entre le corps et l’esprit pour l’élévation de l’âme .
Le corps qu’il faut combattre est lié au vêtement qui l’habille, la tête à l’esprit. Au XVI° siècle la fraise (apanage du vêtement des nobles) sépare la tête du corps.
Exemple : Peinture flamande (Portrait)
L’histoire de l’Art Occidental montre le rapport de l’homme au corps.
3 représentations significatives de Marie Magdeleine à différentes époques.
L’icône byzantine stylise le corps et souligne les objets de la Foi.
Fra Angelico insiste sur la gestuelle dans son tableau « Noli me tangere ».
Le Titien exalte la beauté sensuelle du personnage (cheveux, seins) créant là une figure allégorique de la sainteté puisque ce corps parfait est « image de Dieu ».
Décryptage du rapport au corps par quelques exemples
« L’annonciation » Fra Angelico.
Le corps de la vierge apparaît comme désincarné, enveloppe quasi immatérielle de l’âme.
« Adam et Eve chassés du Paradis » Masacchio .
Les personnages nus expriment par leur attitude la honte. Le peintre représente leur prise de conscience du corps et de la faute. Leur état d’homme est désormais sans rapport avec le divin. Adam se cache les yeux (l’esprit) et Eve les seins (le corps). L’homme est lié à l’intelligence et la femme à l’instinct . Cette conception de l’homme et de la femme fait partie du fond culturel occidental.
« David » Michel-Ange(1501)
La grande beauté corporelle du personnage traduit sa beauté morale. La ville de Florence (référence culturelle et artistique de son temps) avait commandé cette œuvre et l’exposa au public car elle se reconnaissait dans sa perfection imposante par sa taille et sa verticalité.
Giorgeone "Vénus"
Titien "Vénus"
Les deux artistes peignent à Venise ces deux nus féminins allongés et parfaits. Les courbes reflètent une sensualité venue de l’Orient avec lequel Venise commerçait.
Les représentations corporelles de Florence et Venise traduisent en fait le corps social des deux cités : Florence guerrière et conquérante dressée sur son socle et Venise ouverte au monde alanguie sur sa couche.
Jusqu’au XX° siècle le corps gardera le rapport au divin ou à la valeur morale. Ce siècle en marquera la rupture. Désormais :
- - le corps n’est plus d’essence divine (impact des sciences depuis la Renaissance)
- - la recherche de sa vérité ( au détriment de sa beauté) s’investit dans l’objectivité facilitée par l’utilisation de la photographie. Le rendu de la beauté qui était la norme jusqu’alors fait place à la présentation des multiples « visages » du corps (déformations, mutilations, malformations, caractéristiques faciales, torture, etc…)
Pied déformé de Japonaise
Photo de femme nue (années 1900)
Photo d’une poupée articulée de Hans Belmer (années 30)
Photo d’un rescapé de camp nazi (1945)
La « solution finale » des camps de la mort brise les normes de la représentation du corps dans l’Art et révèle une interrogation sur le monde à partir de sa représentation.
Sculpture en tissus - Louise Bourgeois
Photo de Pollock peignant (décennie 60) .
Le corps de l’artiste fait œuvre par sa gestuelle libre et dynamique .
Happening de corps nus – Yves Klein (décennie 70). Le corps des « modèles » bariolé de peinture fait l’œuvre en se plaquant en mouvement sur la toile.
Rythme O 1974 – Performance de Marina Abramovic
Le public muni « d’outils » préalablement posés sur une table, est invité à les utiliser sur le corps dénudé de l’artiste à la fois présente et immuable. Le sang coule et il est de la responsabilité du public-acteur d’arrêter le jeu….
Nu féminin – Lucien Freud . Ce corps obèse et avachi représente la réalité corporelle de la chair gisant dans une sorte d’abandon. Les conventions régissant la représentation du nu sont délibérément ignorées.
Photo de nu masculin – Mapllethorpe. Esthétisé à l’extrême ce corps n'est plus que formes pures, ayant perdu toute humanité.
A travers toutes ces œuvres le rapport au corps qu’exprime l’artiste est celui du rapport à un monde déshumanisé.
Peut-on s'étonner des représentations du corps que nous soumet l'Art Contemporain?(remarque personnelle qui n'engage que son auteur!)