En ce début de printemps j’ai eu envie de revenir sur une des conférences de Sylvie Correler qui ouvrait , une fois encore, les portes à une meilleure compréhension de l‘Art contemporain. Il y était question du triple Jeu de l’Art Contemporain
A ce jeu sont invités :
• artistes et œuvres
• passeurs d’art (Institutions et lieux d’Exposition)
• public
Et un triple questionnement :
• L’Art est-il représentation du monde ?
• Qu’est-ce que l’œuvre d’Art ?
• Que doit-elle dire ?
Jeu et questionnement s’inscrivent dans le domaine de l’Art du XX° siècle et dans les 2 moments de rupture de ce siècle:
• après la 1° guerre mondiale avec le Ready Maid de Marcel DUCHAMP.
• Après la 2°guerre mondiale qui s’ouvre sur la création américaine lors de la Biennale de Venise de 1964 .
Le Raeady Maid
Marcel Duchamp en a eu l’idée après avoir vu une exposition industrielle où les objets présentés étaient d’une esthétique parfaite (exemple : une hélice). Dès lors, pour lui, il n’était plus nécessaire que l’artiste intervienne avec ses mains , l’Art ne relevant pas de l’artisanat mais de la conception. Une forme industrielle vaut autant qu’une œuvre réalisée par la main. L’Artiste est celui qui choisit et donne à voir l’objet déjà fait (ready maid) en déplaçant sa fonction et, de ce fait, le regard du public. Il n’y a plus de représentation du monde mais présentation au monde (ce qui est l’essence même de l’Art selon Duchamp pour qui « Tout est Art ») avec abolition de toute construction esthétique car l’esthétique est sortie de l’art pour entrer dans le monde
La Biennale de Venise
En 1964 la Biennale couronne l’œuvre de ROBERT RAUSCHEMBERG. L’artiste bascule dans d’autres valeurs que celles de l’abstraction en vogue depuis des décennies. Rauchemberg tire du Ready Maid la possibilité d’utiliser tout type de matériaux sans hiérarchie tout en faisant une place privilégiée à l’image. L’artiste présente le monde au monde et l’œuvre nait du monde contemporain et de la culture populaire.
Aujourd’hui 3 groupes sociaux interviennent dans l’Art Contemporain :
• Le public ( sollicité comme acteur et pas seulement spectateur)
• Les médiateurs (commissaires d’expositions)
• Les artistes
Que se passe-t-il au niveau des expositions d’Art Contemporain ?
• Les œuvres à voir sont choisies par les « experts » qui respectent le mot d’ordre politique à savoir égalité d’accès à la culture pour tous (années 60 à 90)
• Cette politique ouvre la démocratisation de la culture exigeante (opposée à la culture populaire d’une part et à la culture bourgeoise d’autre part). Cette « culture exigeante » a vocation de permettre d’appréhender le monde à travers l’Art et de le critiquer de façon à éviter toute dictature.
Les années 80 (Jack Lang est alors Ministre de la Culture) affirment la volonté politique de création- formation – diffusion. On assiste alors à l’éclosion d’une politique d’ouverture vers les artistes contemporains et les publics les plus démunis culturellement .
Que se passe-t-il dans les lieux d’Art ?
On compte 4 positionnements par rapport à cette volonté politique :
• Le positionnement de déni : Il n’y a pas de problème avec l’Art Contemporain : on prend ou on laisse.
• Le positionnement volontariste : L’accès à l’Art Contemporain dépend de la formation du public qui s’avère nécessaire pour qu’il n’y ait pas frustration.
• Le positionnement « Droit à la différence » : Culture « exigeante » et culture « populaire » doivent coexister. La première ne doit pas se considérer comme supérieure à l’autre, d’autant plus que la seconde par son effet de masse, est importante économiquement.
• Le positionnement « élitisme » : La création « exigeante » ne devrait pas rentrer dans le système élitiste qui favorise un certain groupe social ou un réseau.
Le médiateur ?
Le commissaire d’exposition entre dans le positionnement « volontariste ». Il lui appartient d’œuvrer pour la formation du public et lui donner ainsi accès aux œuvres exposées. Le médiateur choisit ce qu’il va exposer. Il accompagne l’œuvre et le public de manière à donner à voir en ayant une bonne connaissance de l’artiste, et ceci n’est possible que si le visiteur (idéal) est sans certitude mais de bonne volonté.
J’en conclue qu’en Art Contemporain la passivité du spectateur n’est pas de mise. Bousculé dans ses repères esthétiques, désorienté par la forme des œuvres présentées, déstabilisé par l’absence de règles et de tabous, le spectateur accepte d’entrer dans la proposition de l’artiste et décode avec sa propre partition ce qui lui est présenté ou reste sur le seuil d’une création qu’il ne peut ou ne veut appréhender.