C’est une conférence de Geneviève Furnémont à laquelle j’assistais ce dernier mois de mars qui m’a décidée à écrire cette page. Je ne cache pas que le Street Art m’a souvent heurtée par son irruption dans nos villes et sur nos murs …Un peu de recherche et sa présence dans Toulouse m’ont amenée à une meilleure acceptation.
Le Street Art , Art de la rue, est né aux USA dans les années 60. Ce mouvement artistique contemporain cosmopolite est omniprésent dans les villes envahissant murs et palissades, soupiraux et terrasses, endroits publics, mais aussi privés. A son origine il se veut subversif, contestataire et délivre des messages divers affichés aux yeux de tous bien que de façon illégale et idéalement éphémère.
Le Street Art s’exprime anarchiquement par des graffitis, des tags, des graffs, des dessins au pochoir...A ses débuts signé par un pseudo ou exempt de signature, il interpelle et cette interpellation met en évidence l’existence de l’anonyme comme force cachée au cœur de la cité. A partir des années 80 des artistes s’en emparent, l’étoffent et en font l’expression de leur personnalité artistique comme Taki 183 aux USA et Blek le Rat en France. Imprévisibles et identifiables ils s’affichent avec désinvolture aux yeux de tous.
Taki 183 ( tags) et Blek le Rat (pochoir)
L’usage des bombes aérosols est incontournable pour réaliser rapidement tags (à l’origine signatures sans ornements),flops et bubbles (aux lettres colorées et avec effets de volume), graffs (complexes et sophistiquées, avec des lettres réinventées prenant des allures de fresque).
Parmi les œuvres au pochoir celles de Bansky ont acquis une notoriété mondiale. Nul ne sait qui est l’artiste ni même s’il s’agit au départ (ou à l’arrivée) d’un groupe ! Quoiqu’il en soit elles sont toujours d’une grande plasticité, souvent empreintes de poésie, parfois dérangeantes ou dénonciatrices, toujours en phase avec le réel. La technique utilisée permet leur diffusion dans de multiples lieux souvent inattendus.
Bansky (fresques)
Le XXI° siècle voit le Sreet Art devenir un véritable phénomène de société au plan international. Il envahit les espaces urbains anciens ou modernes, construits ou en construction et n’hésite pas à se signaler dans des espaces éventrés par les guerres de notre temps, éphémère comme l’ont été maisons et rues bombardées. Les artistes reconnus reçoivent désormais des commandes institutionnelles ou exposent dans les musées d’Art Contemporain comme Basquiat, aujourd’hui disparu.
Basquiat (Exposition Fond Vuittoni )
La mode des installations touche aussi le Sreet Art, les objets y sont présents comme des restes de vélos, des personnages en 3D, des autocollants…La créativité des artistes se veut sans limites ni tabous. L’Art urbain dans sa variante « Yarn bombing » habille arbres, bancs, lampadaires, d’ouvrages tricotés, de fils tissés multicolores.
Yarn Bombing
Les techniques et les supports du Street Art sont multiples, l’importance des œuvres étant dans leurs messages ou la manière dont elles accrochent le regard du passant. Graffeurs amateurs ou professionnels, artistes reconnus tel Ernest Pignon Ernest participent tous au dynamisme de cette expression artistique contemporaine.
Ernest Pignon Ernest (Muraux au pochoir d'après dessins originaux de l'artiste)
Toulouse n’échappe pas à l’art urbain et dés les années 80 les premiers graffeurs s’expriment dans le quartier Arnaud Bernard. Graffitis, tags, dessins y fleurissent mais considérés à l’époque comme du vandalisme ils sont plus ou moins régulièrement effacés jusqu’à ce que le XXI° siècle pense différemment. C’est ainsi que dans le jardin d’Embarthe se trouve le plus ancien graff toulousain commandé par la Mairie. L’Association de Quartier n’est pas en reste puisqu’elle fait appel aux graffeurs du Collectif Truskool pour « habiller » la rue Gramat.
Une des pionnières du graff à Toulouse est Mlle Kat qui orne les murs du centre ville de personnages féminins, collages ou fresques colorées comme en témoignent les murs du 5 rue Sainte Ursule.
Sa consœur Miss Van a démarré son art dans la ville, puis fait carrière à l’international et est revenue en 2016 pour composer une fresque gigantesque à l’occasion du Festival de Street Art « Rose Béton » organisé à Toulouse. Sa « Symphonie des Songes » se trouve au 5 rue du Pont de Tounis.
Graffeurs renommés Poes et Jober ont décoré le 30 rue Marceau dans le quartier du Busca. Tout aussi apprécié des services culturels de la Mairie 100 Taur a peint en 2018 une des fresques les plus longues de la ville, rue des Anges, dans le quartier des Minimes. Sur des dizaines de mètres des créatures étranges, fantastiques, voire monstrueuses, réminiscences de Jérôme Bosch, interpellent le passant.
A l’opposé de ces expressions figuratives Reso, toulousain reconnu à l’international pour ses compositions graphiques, joue avec les lettres en les déformant jusqu’à l’illisible et en les détachant sur des fonds colorés. Son immense graff avenue Albert Bedouce, près du Canal du Midi en est un bel exemple.
ECB , toulousain d’adoption, se signale par son hyper-réalisme et son adhésion inconditionnelle au caractère fugace de l’œuvre . En 2016, dans la cadre du Festival rose Béton, l’artiste a réalisé un magnifique portrait d’un tisserand berbère, détruit en 2017 lors de la démolition de l’immeuble-support. Il récidive l’année suivante avec le portrait d’une vieille femme sur un mur de la rue d’Antibes dans le quartier d’Empalot.
Il y a tant de graffitis, tags, fresques dans la Ville Rose que l’Office de Tourisme organise une visite guidée pour découvrir les origines et les codes du Street Art toulousain. Dans un premier temps je me suis contentée d’un petit tour dans le quartier de Rangueil pour découvrir commandes institutionnelles et improvisations. Ainsi le CEMES rue Jeanne Marvig décore son mur de clôture d’une belle fresque colorée où message, personnages et décor invitent à une rêverie heureuse. Les murs-palissades qui longent le périphérique non loin du jardin de Rangueil , développent tout l’abécédaire du Street Art : tag, flop, bubble, pochoir, fresque …Il suffit de les longer pour réaliser à quel point l’Art Urbain est un univers à l’image de notre temps : intrusif,complexe et décomplexé, chaotique et systémique.
Street Art à Rangueil
Palissades du périphérique à Rangueil
Ce printemps 2022 invite l’exposition-évènement « Mister Freeze » consacré à la culture urbaine et arts visuels au 105 boulevard de Suisse. Le local de la maison de la Peinture voué à disparaitre abrite dans ses 3500 m2 des œuvres produites par des artistes locaux ou étrangers, célèbres ou non. J’y ai vu des œuvres sur murs dont la taille s'accommodait fort bien des volumes du local. Côte à côte artistes toulousains ou non, du figuratif fantasmé ou des monstres expressifs, des couleurs percutantes ou du monochrome...
Fresques et une intallation
Je me suis ensuite dirigée vers l'espace exposition où se trouvait une belle installation et un grand nombre d' œuvres encadrées signées de noms connus et toulousains comme RESO ou MONDE. Sur le seuil une Marianne stupéfiante accueille le visiteur. Ce buste est l'oeuvre de Rémi LABORDE, toulousain, aiguilleur du ciel , sculpteur amateur et éclairé par les ressouces des nouvelles technologies. Le résultat est "bluffant", Marianne apparaissant selon l'angle de vue en transparence ou en relief
La Marianne de Rémi Laborde
Quelques unes des oeuvres exposées
Au milieu de tout cet ensemble exubérant j'ai eu un coup de cœur pour une œuvre discrète qui m' a rappelé la facture d'Ernest Pignon Ernest. ALDIE , ancienne danseuse est inspirée par la danse et la beauté des corps des danseurs sublimés par la perfection de leur Art. Elle y puise et transmet la gamme infinie des émotions.
Exposition
Out of the Blue ( Festival "Mister Freeze" Toulouse du 1° avril au 8 mai 2022)
Sources
https://www.toulouse-tourisme.com/street-art-a-toulouse
https://www.bewaremag.com/tout-savoir-street-art/
Crédits
Images du Net
Photos personnelles
Entrée de l'Exposition"Out of the Blue" et graffes sur palissades externes