Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'esprit de Vinyoli

Aquarelle (image du Net)

Aquarelle (image du Net)

C’était samedi 11 juin, fin de semaine , fin de journée…Le  Casal Català proposait une rencontre poétique animée par une poétesse, Silvia Bel, et une interprète musicienne, Silvia Comes, autour de l’œuvre du poète catalan Joan Vinyoli (1914-1984) dont je ne connaissais que quelques vers :

 

 

Estranyes flors, aquestes que he trobat

Per la ribera de l’insomni : xiscles

De vent i diamants d’escuma

Brillant al sol…

(Cants d’Abelone)

 

Etranges fleurs que je viens de trouver

Sur les rives de l’insomnie :

Cris du vent et diamants d’écume

Qui brillent au soleil.

(Chants d’Abelone)

 

 

Une occasion rêvée pour le découvrir. Le  vieil « Ostal d’Occitania »  abriterait une fois encore un moment poétique et musical. 

Au coeur de Toulouse,l'Ostal d'Occitania

Au coeur de Toulouse,l'Ostal d'Occitania

 

Les deux artistes installées sous les arcades de la cour intérieure du bel hôtel pastelier, nous ont en quelques mots présenté leur spectacle et le poète.

 

Silvia Bel et Silvia Comes durant leur récital

Silvia Bel et Silvia Comes durant leur récital

 

Le spectacle « L’esprit de Vi ...nyoli » a été créé en 2014 à l’occasion du centenaire de la naissance de Joan Vinyoli . Le jeu de mots laisse entendre le contenu  puisque « esprit de vi » signifie  « eau de vie » et  que le poète, dont le nom vient de la vigne  (vinya), tel Goudouli , aimait à boire au banquet de la vie, de l’amitié, de l’amour ou de la solitude…

 

Mira’m la cara encesa

De sàtir vell. Quina vinosa

Color de vida molt viscuda,

Ja no recuperable.

Vasos buits.

M’embriago

De vi dels anys.

Malaguagnyat

Temps de la vida…

(Autoretrat a 65 anys)

 

Regarde  ma trogne

De vieux satyre. Quelle couleur avinée

d’une vie trop vécue ,

et qui n’est plus récupérable.

Verres vides.

Je m’enivre

Au vin des années.

Temps éphémère

De la vie  …

 (Autoportrait à 65 ans )

 

Face à la galerie de briques roses aux parements de pierre, au pied de l’orgueilleuse tour capitulaire de l’hôtel de Boysson , la magie du verbe a opéré : 

Cour intérieure de l'Ostal et tour capitulaire
Cour intérieure de l'Ostal et tour capitulaire

Cour intérieure de l'Ostal et tour capitulaire

 

Soc el pastor sempre despert :

vigilo de nit i dia

el meu arment de roques

que pastura fa segles,

no movent-se d ‘aquests verals

on jo miro, callant,

la llisa mar al fons que reverbera.

Se’ns ha adormit el temps :

no passa gent per aquí.

De mica en mica 

em vaig tornant de pedra

També…

(El ramat de roques)

 

Je suis le berger toujours éveillé :

je surveille jour et nuit

mon troupeau de roches

Qui broute depuis des siècles,

sans quitter ce coin perdu

d’où je regarde, en silence,

La mer lisse qui luit dans le lointain.

Ici, le temps s’est endormi :

Il ne passe personne.

Peu à peu, je deviens pierre

Moi aussi…

 (Le troupeau de roches)

 

Sur scène ...

Sur scène ...

 

Silvia Comes et Silvia Bel ont choisi les poèmes qui révèlent à partir des années 75 une parole poétique intense et particulière devenue au fil des ans une référence pour la nouvelle génération de poètes catalans délivrés des luttes issues du franquisme.

 

Baixem a les profundes

Aigües del son a traficar amb el peixos

De la memòria

Estranyes nits

Albes després :

El ganivet del dia

Clivella els finestrons, penetra llis,

Un fi corrent de llum,

Voleien

Llançols blanquíssims, grans ocells

(La nit i el dia)

 

Descendons vers les eaux profondes

Du rêve pour jouer avec les poissons

De la mémoire

Nuits étranges

Aubes ensuite :

La lame du jour

Fend  les fenêtres,

Un fin courant de lumière

Entre, lisse,

Les draps immaculés, grands oiseaux

S’envolent.

(La nuit et le jour)

 

Dans ses derniers recueils de poèmes ,enfin reconnu par ses pairs au soir de sa vie, Vinyoli confie :

 

Sóc home sol.

No sé d’on vinc, per qué m’afanyo,

No crec en opis ni licors .

No sé què soc

ni per què m’ho pregunto.

Segrego a vegades poesia,

O bé, de tant en tant, m’agrada,

Posant els ulls en blanc, polsar les tecles

Del meu rònec piano,

Traient-me els tèrbols sucs de moltes nafres

Amb la xeringa neta de l’oblit.

Però tot res, sols queda la fiblada

De la pua clavada

Molt endins de la carn.

Sóc home sol .

 

(Soc Home sol)

 

Je suis homme seul.

Je ne sais d’où je viens, ni pourquoi je m’efforce,

Je ne crois plus aux opiums ni aux liqueurs.

Je ne sais qui je suis,

ni pourquoi je me le demande.

Parfois je sécrète de la poésie,

Ou bien, de temps à autre, j’aime

Tourner les yeux et enfoncer les touches

De mon piano miteux,

en extrayant les humeurs troubles

De mes nombreuses plaies

avec la seringue aseptisée de l’oubli.

Mais rien, il ne reste que la douleur

Du dard planté au cœur de ma chair.

Je suis homme seul.

(Je suis l’homme seul)

 

 

Beau et grave voyage proposé  par deux artistes sensibles qui m’a révélé l’essence même de la poésie de Joan Vinyoli pour qui la parole poétique transcende la fragilité de l’existence.

Ce fut une belle parenthèse que je referme en écrivant ces lignes…

 

Vanités
Vanités

Vanités

 

 

« Tot és lluny i prop

i no s’acaba mai aquest viatge

per les paraules … »

Tout est loin et proche

et ce voyage en paroles

ne finit jamais...

Vinyoli

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
N
J'ai parcouru mais je promets de revenir décortiquer.... LOL ! Je suis surpris encore une fois !<br /> Quel travail... Monsetta nous vous admirons rien qu'en parcourant votre espace ici présent... Imaginez si nous nous étions connus plus tôt...<br /> Amitiés à Maurice !<br /> Nga et Jean
Répondre