Il y a trois ans j'écrivais pour le Bulletin de l'Association du CASAL CATALA sise à Toulouse un article sur ce pont dont le nom m'avait longtemps intriguée . Enfant j'avais entendu parmi les régugiés espagnols de 1939 dont mes parents faisaient partie, toutes sortes d'histoires à son sujet : des catalans l'auraient construit, ce pont leur rendait hommage , mais de quels catalans s'agissait-il? Catalans de Catalogne ou du Roussillon? Membre du Casal je m'autorisai bien des décennies après une petite recherche qui pourrait être publiée dans notre bulletin et que je livre ici.
Toulouse est traversée par un fleuve aussi beau que capricieux : la Garonne.
D’amont en aval plusieurs ponts relient les deux rives parmi lesquels les Ponts St Michel,Pont Neuf,St Pierre et des Catalans.
Ce dernier ne s’imposa comme nécessaire qu’à la fin du XIX°.
Ville de garnison,Toulouse ne disposait pas d’un pont permettant les déplacements aisés de deux régiments d’artillerie stationnés rive droite alors que leur champ de tir était rive gauche. Le développement industriel de Toulouse avait amené l’implantation de fabriques et d’ateliers de part et d’autre du fleuve, en particulier dans les quartiers des Amidonniers et St Cyprien séparés par la Garonne.
En 1895 Honoré Serres, maire de Toulouse, sincèrement dévoué à sa ville et à ses habitants, fait faire un premier projet pour relier les deux quartiers. Ancré près de la rue des Amidonniers le nouveau pont devrait porter le même nom . En 1902 Honoré Serres choisit d’en confier la réalisation à l’ingénieur Paul Séjourné car, dit-il , ce dernier « offre son concours à titre gratuit à la Ville de Toulouse »
Paul Séjourné ,professeur à l’Ecole des Ponts et Chaussées.,est l’inventeur d’un nouveau type de pont : « le pont à anneaux ». Les travaux commencent en 1904 et s’achèvent en 1913 . La conception de ce pont long de 110 mètres et large de 22 est très originale puisqu’il est composé de deux ponts parallèles et identiques supportant une dalle de béton armé . Cinq arches portent le tablier . Piles, arches et lunes sont en béton avec parements de brique et pierre en harmonie avec le célèbre et vénérable Pont Neuf situé en amont .
L’ouvrage surprend les contemporains par son allure et beaucoup doutent de sa solidité . Mort en 1905 Honoré Serres n’a pas entendu les critiques les plus acerbes , pas plus qu’il n’a su que dans un contexte politique-culturel teinté de félibrige, d’occitanisme et de régionalisme. le nom définitif de l’ouvrage serait « Pont des Catalans ».
La renaissance culturelle des Pays d’Oc s’affirme dans la deuxième moitié du XIX° siècle avec l’édition de dictionnaires , grammaire , biographie de troubadours et naissance en 1869 de la Société des Langues Romanes . La Catalogne française , poussée par la Catalogne sud , restaure le catalan comme véhicule culturel propre . Dans les aires géographiques béarnaises, périgourdines,auvergnates et limousines les traditions reviennent à l’honneur dans leur parler particulier . A Toulouse la revue « Lo gai saber » commence sa parution cependant que l’Académie des Jeux Floraux (née en 1323) rétablit les concours littéraires en langue d’oc après avoir reçu le poète Frédéric Mistral en 1879 .
Ce dernier ,ainsi que les Félibres provençaux sont en relation avec les intellectuels de la Renaixença catalane et on apporté leur soutien au poète à l’exil Victor Balaguer . Leur amitié est officiellement scellée en 1867 lors du congrès annuel du Felibrige lorsque les catalans offrent « la coupo » , coupe trophée dont le socle surmonté des figures allégoriques de la Catalogne et de la Provencs s’orne de ces quatre vers :
Morta diuhen qu’es Ah ! se me sabien entendre !
Mès jo la crech viva Ah ! se me voulien seguia !
(Victor Balaguer) (Frederic Mistral)
A la fin du XIX° siècle Toulouse est en pleine effervescence régionaliste . Les intellectuels de tous bords redécouvrent la langue toulousaine (« la lenguo moundino ») et éditent des petits journaux en langue d’oc . La municipalité n’est pas en reste et crée dans un souci d’ouverture l’Escolo Moundino » concurrente de l’élitiste Académie des Jeux Floraux .. Reélu maire en 1900 Honoré Serres favorise l’essor culturel et économique de Toulouse et soutient les projets importants de la Chambre de Commerce . En 1881 celle-ci s’était investie avec la provine ce catalane de Lérida dans le projet de chemins de fer transpyrénéens . Après la disparition accidentelle du maire les échanges commerciaux et culturels continuent.`
En juin 1907 la ville reçoit en grande pompe la municipalité de Barcelone . Durant quatre jours rien ne manque pour honorer les catalans : retraite aux Flambeaux , Soirée de Gala au Théâtre du Capitole , banquets, Fête Vénitienne au bord de la Garonne avec en toile de fond le pont des Amidonniers en construction . Expression tangible de la haute considération de la municipalité toulousaine pour ses hôtes , le pont est rebaptisé « Pont des Catalans » par décision du Conseil Municipal .
Bibliographie :
« Les Ponts de Toulouse »Jean Coppolani . Ed Privat 1992
« Toulouse à la Belle Epoque » Jacques Arlet . Ed .LA Loubatière 1999
L’Almanach du Toulousain 2000
Archistra n°213 Nov.2001