Ce petit tableau que j'ai réalisé en 2005 présente des dames d'un temps révolu évoqué dans des proportions monumentales par la grande peinture qui orne depuis plus d’un siècle la cage d’escalier monumentale du Capitole à Toulouse. Cette œuvre du peintre Jean-Paul Laurens, intitulée Première distribution des Jeux Floraux, le 3 mai 1324 , permet à chacun d’entrer dans l’Histoire,tout comme les grands salons décorés de l’Hôtel de Ville . En 2002 j'écrivais un article sur ce thème pour le Foyer du 3° âge route de Fronton et que je rapporte ici.
La scène peinte par Jean Paul Laurens est située hors des murs de Toulouse, dans le verger des Augustines.Sept bourgeois de Toulouse désignés comme les Sept Troubadours convoquent tous les poètes qui voudraient lire leurs œuvres en langue occitane . La rencontre devient un véritable concours littéraire dont les instigateurs Bernard de Panassac, Béranger de Saint-Blancat, Guihlem de Gontaud, Bernard d’Oth, Guilhem de l’Obra et Pierre Mejanassera désignent comme lauréat le poète Arnaud Vidal de Castelnaudary .Celui-ci reçoit le premier prix ,la violette d’or, et le titre de docteur en la gaie science , pour un poème à la Sainte Vierge.
En 1323 , sous Charles le Bel, les Sept troubadours avaient crée le Consistoire du GAY SAVOIR (Gay Saber), la plus ancienne Académie d’Europe qui s’attribuait pour mission de récompenser par l’attribution de fleurs les plus belles poésies en langue d’OC.. La plus haute distinction était la violette d’or réservée aux poèmes dédiés à la Vierge, Dame Clémence. La première violette fut délivrée en 1324.Le concours perdurant Charles IV très impressionné par le niveau des concurrents encouragea les sept créateurs à développer l’institution .Le concours prit le nom de jeu de l’Amour et d’autres fleurs furent crées à côté de la violette pour récompenser d’autres genres de poèsie. La violette d’argent célébrait le genre noble. En 1345 s’y ajouta l’églantine pour des sujets plus variés et le souci d’argent (en latin calendula) pour la poésie légère.
Ces fleurs sont d’abord bénies à la Daurade, centre principal de la piété mariale toulousaine. Au Moyen-Age la poésie courtoise sublime la femme . Cette idéalisation conduit à une nouvelle glorification de la Vierge C’est donc au début du mois de Marie , le 3 Mai, que se forme un cortège solennel de mainteneurs et de capitouls, qui va du Collège St Martial à l’Hôtel de Ville ,de là à la Daurade pour chercher les fleurs qui sont distribuées le même jour. Les lauréats reviennent ensuite confier la récompense à la Vierge Noire Notre-Dame de la Daurade .Cérémonies, discours, banquets,messe solennelle, tout se fixe à la fin du XV siècle en des rites qui ne varieront guère. C’est même la légende de Clémence Isaure qui se prépare puisque vers le dernier quart du XV° siècle on transporte à la Maison Commune une statue sépulcrale provenant du cimetière de la Daurade,probablement l’effigie de dame Bertrande fille de Pierre Ysalguier,notable de la ville dont le blason familial s’ornait d’une touffe d’iris à 5 tiges fleuries. L’analogie avec les fleurs de la Gay Science favorise son identification avec la Vierge protectrice. Au XVI ° siècle voulant soustraire au Parlement la comptabilité des dépenses qu’ils affectaient aux Jeux Floraux , les Capitouls font apparaître les revenus d’un leg provenant d’une certaine « Dame Clémence » et exhibent comme preuve de son existence la statue sépulcrale dans la salle du Grand Consistoire du Capitole. Le mythe de « Clémence Isaure » était né . Cette « dame » d’après la légende aurait présidé les premiers Jeux Floraux et à partir de 1530 devenait la muse du concours
Le Consistoire est devenu par décision royale de Louis XIV (1694) ACADEMIE DES JEUX FLORAUX. .Conséquence de la Révolution française, l’Académie des Jeux Floraux se retrouve privée de son leu de réunion au Capitole et se disperse après avril 1791. Il faudra attendre la mise en œuvre de la politique culturelle de l’Empire pour voir ressusciter à Toulouse cénacles et salons littéraires . Le 21 mai 1806,l’Académie des Jeux Floraux retrouve son existence légale .Le XIX° siècle qui a vu se fonder le félibrige fut une époque de renaissance pour la langue occitane. Reconnu d’utilité publique en 1923,l’ancien Consistoire du Gay Savoir a trouvé refuge ainsi que le gisant de Clémence Isaure dans l’hôtel d’Assézat depuis 1896.Cet hôtel fut légué par le banquier Ozenne aux Sociétés Savantes de Toulouse à une époque où la ville remodelait son urbanisme. De nos jours, la tradition se perpétue à la même date, sans procession mais avec toujours une messe solennelle et la bénédiction des fleurs .
LES PRINCIPAUX LAURÉATS :
-Peu avant la Révolution un certain Fabre obtint de l’Académie une églantine d’or. Il ne signa plus ses œuvres que sous le patronyme de FABRE D’ÉGLANTINE.
-RONSARD l’avait eue avant lui en 1554.
-Victor HUGO dans ses Feuilles d’Automne rend à la Ville un furtif hommage :
“Toulouse la romaine, où dans des jours meilleurs
J’ai cueilli tout enfant la poésie en fleurs...”.
Ce grand poète et ce grand initié connut son premier succès grâce à un poème qu’il proposa en 1819 à un concours de l’Académie Toulousaine. Il fut nommé docteur en la Gaie Science. Ce poème était une Ode royaliste.
-Deux ans plus tard c’est CHATEAUBRIAND qui honorait les Jeux et déclarait : “ Je tiens plus aux honneurs de la Gaie Science qu’à ceux de la politique”.
-Vers la fin du XIXe siècle, Frédéric MISTRAL sera l’un des “mainteneurs”.
-VOLTAIRE eut aussi les honneurs, tout comme Alfred de VIGNY et LAMARTINE.
-Plus près de nous Léopold Sédar SENGHOR.