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Peinture / Goya , singulier et pluriel..

 

 

Le triptyque sur les 3 grands peintres espagnols : El Greco, Velazquez et Goya , proposé lors de mes conférences à la Casa de España, s’achevait avec la présentation du peintre aragonais Francisco de Goya y Lucientes .  

                                                            

GOYA naît à Fuendetodos près de Saragosse en Aragon le 30 mars 1746. Son père est doreur et restaurateur de tableaux. À 13 ans Goya devient  apprenti chez un peintre décorateur très connu à Saragosse. Ses années de jeunesse émaillées de rixes et amourettes sont aventureuses . Convaincu de son talent Goya se présente au concours d’entrée de l’Académie madrilène  de peinture de San Fernando. Il est recalé deux fois, mais finit par pouvoir partir en Italie pour  un voyage d’études. Hélas, de méchantes querelles     (dettes et amours orageuses) l’obligent à interrompre son séjour et à revenir précipitamment chercher refuge en Aragon où il obtient sa première commande : des fresques pour la Cathédrale de N.D. du Pilar à Saragosse (1771) que l’on peut toujours voir aujourd’hui..

Le succès de sa réalisation lui permet de s’installer à Madrid et d’entrer dans l’atelier de Franscisco Bayeu dont il épousera la sœur en 1774 . le couple aura 11 enfants . Un seul survivra à son père. Appuyé par son beau-frère Goya obtient la commande d’une série de 30 cartons de tapisseries devant décorer le Prado palais du Prince des Asturies, héritier de la couronne.

Il réalise de 1776 à1780 une première série des «  Cartones » 

Ce sont des scènes de genre, des évocations galantes, des descriptions de la vie mondaine ou des petites gens destinées à mieux faire connaître au Prince héritier ses sujets.

El quitasol (1777)Goya - Cartón- El quitasol

L’exécution est aussi raffinée que le sujet choisi, la composition équilibrée en zones d’ombre et de lumière, avec effet de contre-jour. La gamme chromatique d’une grande délicatesse ne peut être rendue que par les fils de soie de la Manufacture Royale de Tapisseries de Santa Barbara.

 En1780 Goya est élu à l’unanimité membre de l’Académie de San Fernando. La renommée et la richesse lui arrivent d’un seul coup lorsque le Roi CARLOS III (Charles III) en fait son peintre officiel. Goya commence alors son activité de puissant portraitiste à la Cour des Bourbons d’Espagne. De facture assez traditionnelle, ces œuvres dénotent un sens aigu de l’observation psychologique par le rendu des physionomies.

Retrato del Conde de FloridablancaGoya - Conde de Floridablanca

Goya réalise une galerie impressionnante des Grands d’Espagne et de leur Roi qui se veut un souverain de son temps, un Despote Eclairé du Siècle des Lumières.

Dans le même temps, le peintre continue sa production de cartons dans une deuxième série couvrant la période de1780-1788. Cette nouvelle production traduit une sensibilité sociale très forte chez celui que l’on surnomme le Prince de Madrid tant sa place est grande au sein de l’aristocratie madrilène.

El Albañil heridoGoya - Albañil

À la mort du roi, son fils CARLOS IV nomme Goya « Peintre de la Chambre du Roi » comme l’avait été Vélasquez en son temps. Dès lors il lui incombera de réaliser tous les portraits officiels du Roi et de la Reine.C’est avec cette charge que dans les années 1790

Goya noue des liens étroits avec «  los Afrancesados »intellectuels et politiciens progressistes de Madrid qui se font l’écho de la Révolution Française, non encore régicide, et qui  vient de proclamer La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Une grande effervescence intellectuelle, artistique, philosophique et politique gagne l’Europe . En Autriche  MOZART compose son opéra maçonnique « La Flûte enchantée ».

Goya livre les derniers cartons de la 2° commande  qui reflètent l’insouciance d’une société épargnée par la Révolution .

El PeleleGoya - Cartón - El Pelele

La pradera de San Isidro  Goya - Cartón - La Pradera de San Isidro                                                                                                                                             

En1792 Goya tombe gravement malade (empoisonnement au mercure liés aux pigments ?) et devient sourd. Confronté à la mort, une véritable crise de conscience s’empare de lui, qui  lui rend insupportable les hypocrisies du monde dans lequel il vit. La peinture sera son exutoire. Il peint des scènes de folie, de supplice, de fanatisme, d’inquiétante liesse populaire .

El entierro de la sardina (1803)Goya - El Entierro de la sardina

Goya entreprend à cette époque ses célèbres CAPRICES (planches gravées sur plusieurs années à partir de 1792 et publiées à Madrid1799) où dominent l’ironie sans concession, l’amertume et l’indignation face à une société espagnole aveuglée par superstitions et croyances moyennageuses.

Capricho 12 « A caza de dientes »Goya - Caprichos

 

Durant sa convalescence en 1795 il se lie d’amitié avec la Duchesse d’Albe devenue, selon la petite histoire, sa maîtresse et le modèle de la Maja desnuda et de la Maja vestida . Ces deux œuvres réalisées dans la propriété andalouse de la puissante et très belle duchesse  devaient plus tard enrichir la collection très particulière de GODOY le favori de la Reine, la Maja vestida cachant l’autre, comme le fera plus tard COURBET avec son Origine dumonde .

Maja desnuda (1797)Goya - La Maja desnuda

Maja vestida (1803)  Goya - La Maja Vestida

Nommé « premier peintre de la Cour » Goya réalise le célèbre portrait collectif La Familia de Carlos IV(1800) destiné au salon des Ambassadeurs du Palais Royal et toile majestueuse par ses grande proportions : 280x336 cm.

Goya - Familia de CarlosIV

 Dans cette œuvre chargée picturalement de réminiscences vélasquiennes Goya révèle, avec  ironie, au milieu d’un faste royal, la mièvrerie et la bêtise de la famille royale.

Pendant ce temps l’épopée militaire de Bonaparte secoue le vieux continent et Beethoven compose en l’honneur du Petit Caporal sa Symphonie Héroïque.

En 1802 la Duchesse d’Albe meurt dans des circonstances troubles. Goya s’enfonce dans une profonde dépression. Le peintre abandonnera presque totalement ses pinceaux jusqu’en 1806 année où il réalise pour un de ses amis le magnifique portrait de sa femme Doña Isabel Cobos de Porcel (82x54cm).

Goya - Doña Isabel de CobosA travers son modèle, vêtue en Maja, mantille noire et éventail, apparaît l’arquétype de la femme espagnole telle que les romantiques français la rêveront au XIX° siècle, qu’elle soit maja ou gitane.                                                                                                                        

Les années noires continuent puisqu’en 1808 l’Espagne est envahie par les troupes napoléonniennes. L’empereur fait abdiquer les Bourbons pour installer  sur le trône son frère José surnommé par les espagnols «Pepe Botella ». Le peuple de Madrid se révolte et est réprimé par les troupes de Murat. Par toute l’Espagne se répand la guerrilla qui amènera les premières défaites de la Grande Armée en Andalousie, Catalogne et Aragon. Au drame du pays s’ajoute en 1812 la mort de sa femme Josefa et la maladie revenue en force. Pourtant, à 73 ans, Goya se rend sur les terres désolées par la guerre pour recueillir témoignages et graver dans sa mémoire l’indicible. Ces événements historiques ont donné naissance à 3 oeuvres qui constituent une condamnation passionnée de l’injustice et de la cruauté:

 

Los desastres de la guerra”(1810)

Dans cette série d’eaux-fortes, Goya prend fait et cause pour son peuple. Il dessine, il grave et écrit : «  Celui qui aspire au nom d’artiste, doit être capable de reproduire de mémoire avec le pinceau ou le crayon, chaque scène ou chaque incident, dans tous les traits essentiels, après l’avoir regardé une fois. »

Planche 5 « Y son fieras »Goya - Desastres de la guerra

Ces planches réalisées de1810 à 1820 ne seront éditées qu’en 1863. Elles constituent l’un des plus profonds témoignages du message de Goya quant à l’homme et sa lamentable barbarie. Goya y censure la guerre, la violence en soi, d’où qu’elle vienne, et nous révèle son opinion sur la condition humaine, abjecte et pathétique à la fois.

 

 

El dos de Mayo” (266x345cm)

o La carga de los Mamelucos (oeuvre réalisée en 1814 au moment de l’abdication de Napoléon, et à partir de croquis pris in situ en 1808 au moment de l’entrée des troupes françaises à Madrid)

DELACROIX se souviendra de cette oeuvre pour réaliser sa “Liberté guidant le Peuple”

« Tres de Mayo 1808 » (266x345cm)

o Fusilamientos del Monte Pío (oeuvre réalisée dans les mêmes conditions que la précédente).

MANET s’en inspirera pour son “Exécution de Maximilien”

L’épopée napoléonienne close et la Restauration des Bourbons faite, Goya ressent avec beaucoup de déception la politique absolutiste du nouveau Roi Ferdinand VII. Souvent malade le peintre vit de plus en plus isolé, ayant perdu femme et enfants et complètement sourd . Il grave alors la série de  36 planches appelée  « La Tauromaquía »

Aguafuerte( 25x36 cm)Goya - Grabado - serie

 Peu après il se retire avec sa gouvernante Leocadia et sa fille dans sa maison de Carabanchel surnommée “La Quinta del Sordo” (la maison du Sourd). Là, Goya  rechute très gravement dans sans maladie, devient presqu’aveugle mais continue son œuvre. Il grave “Los disparates”, série non achevée dont quelques planches apparaîtront en France en 1877.

Cette série est la plus difficile à interpréter, pures images oniriques où le fantastique et le mystérieux dominent l’esprit du peintre et délivrent un message crypté et désespéré dans une “explosion d’irrationalisme” qui contient en puissance l’expressionnisme ou le surrealisme.

 Saturno devorando a uno de sus hijos  Goya - Pinturas negrasSaturno devorando a sus hijos                                                                                                                                                Durant 4 ans, jusqu’en 1823, Goya recouvre les murs de sa maison de “peintures noires” aujourd’hui conservées au Prado.                     

 « Las pinturas Negras » sont des visions hallucinantes peuplées de monstres, sorcières, vieilllards, hommes à gueule de bêtes, boucs, sabbats, processions monstrueuses où les dérives de l’inconscient rejoingnent des terreurs venues du fond des âges. Ici les croquemitaines de l’enfance se confondent avec les hallucinations d’un cerveau malade.

L’absolutisme et l’antilibéralisme de Ferdinand VII amènent Goya en 1824  à s’exiler en France, à Bordeaux, pour ne pas risquer l’emprisonnement . Le peintre dans son exil fuit une Espagne défigurée et de nouveau envahie par les troupes françaises, surnommées « los cien mil hijos de San Luis » , venues à la rescousse du Bourbon restauré. Quand sa maladie lui laisse quelque répit, il continue son oeuvre, revient à la peinture de genre, s’initie à la lithographie avec Los Toros de Burdeos (1825)Goya - Toros de Burdeos - corrida et annonce l’impressionnisme avec  La Lechera de Burdeos (1827)

Goya - La lechera de Burdeos

16 mars 1828 Goya meurt à 82 ans. Son corps mutilé ( sa tête avait été détachée de son corps  pour une étude anatomique du cerveau) ne reviendra en Espagne qu’en 1919…Quelle vision prémonitoire que celle de Saturno ! Beaudelaire sera fasciné par les Peintures Noires de Goya et ses eaux-fortes. Le poète des Fleurs du Mal, mais aussi critique d’art écrira : «Son grand mérite consiste à créer le monstrueux vraisemblable. Ses monstres sont nés viables, harmoniques. Nul n’a osé plus que lui dans le sens de l’absurde possible… .La ligne de suture, le point de jonction entre le réel et le fantastique est impossible à saisir ».

Goya repose  à Madrid dans la chapelle San Antón où se trouve l’une de ses rares peintures religieuses La última comunión de San José.

Tout près de Toulouse, le Musée GOYA de CASTRES compte dans ses collections 3 toiles de Goya ainsi que les séries complètes de ses eaux-fortes. Le Musée présente aussi des primitifs catalans et andalous ainsi que des peintres du Siècle d’Or, dont un Vélazquez. Bonne visite ! 

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