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La Sardane

  Pour clore l'année scolaire dans une classe de seconde, j'ai été amenée à faire un tout petit texte introductif sur la sardane toujours dansée en Catalogne surtout à l'occasion des fêtes traditionnelles d'été. Il s'agissait de préparer les futurs estivants à entrer dans la danse sans trop de difficultés après une séance d'apprentissage d'une bonne heure. Le résultat fut concluant : au terme du temps imparti tout le groupe de lycéens, filles et garçons, en baskets, sandales, jeans, tee-shirts et débardeurs, dansait sans accrocs et bien dans le ryhme. Ces jeunes auront sans doute fait un tabac sur la Costa Brava  ou en Roussillon!

 


 

LA SARDANESardane

La sardane est une danse populaire catalane où les danseurs en se tenant la main forment un cercle . Un orchestre de 11 musiciens, la Copla, l’accompagne. Le mot sardane désigne à la fois la danse et la composition musicale qui lui est particulière.

Son origine reste mystérieuse . Bien avant l’Empire Romain, dans la Grèce antique on retrouve des bas-reliefs représentant des danses circulaires où les danseurs se donnent la main. Ces danses se sont propagées sur les rives méditerranéennes et ont été adoptées par les Ibères. Le géographe grec Strabon (Ier siècle) cite une danse en rond en tant que danse d'offrande à la Lune, pratiquée par les Ibères qui occupaient la partie occidentale du littoral roussillonnais. Pline l’Ancien (écrivain latin) nomme cette région « Cerratana » devenue aujourd’hui Cerdagne. Peut-être est-ce là l’origine du nom. A moins qu’on ne pense à la Sardaigne, où se retrouvait ce même type de danse. Ce n’est qu’au XVI° siècle qu’apparaît le mot sardane pour désigner une danse où hommes et femmes accompagnés par 2 ou 3 musiciens, forment une ronde fermée à pas courts, à la différence du « contrapas » ouvert et à pas longs, uniquement dansé par des hommes 

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La sardane moderne serait une fusion réussie entre contrapas long et sardane courte. Elle est née, au milieu du XIXe siècle, sous l'impulsion d'un musicien de Figueras nommé Pep Ventura qui composa les premières sardanes devenues incontournables dans toute le fête populaire catalane . Les Coples utilisent des instruments traditionnels catalans : tenora (haubois), tible (sorte de haubois), flabiol (flûte) et tambourin accompagnés par contrebasse, trompette, trombone et fiscorn (tompette à piston). La sardane, cercle fermé, fait alterner hommes et femmes, la femme à droite de son partenaire. Tous ceux qui connaissent les pas de cette danse peuvent entrer dans la ronde .La sardane est plus compliquée que ce que l’on croit en voyant son immuable oscillation. Il faut connaître les pas courts et longs, les compter tout en dansant pour être en accord avec la fin de chaque série. En 1992 lors des Jeux Olympiques de Barcelone plus de 600 danseurs formant les 5 anneaux olympiques dansèrent une sardane chantée par deux grandes voix lyriques. La scène internationale venait de reconnaître le caractère identitaire de cette danse interdite par les deux dictatures qu’a connu l’Espagne du XX° siècle : celle du Général Primo de Rivera et celle du Général Franco.

Sang et Or

La sardane est revenue en Roussillon avec les exilés républicains de 1939 et elle les a suivi sur les chemins de l’exil (France, Angleterre, Etats-Unis, Mexique …) En 2007 a eu lieu la 25° Rencontre Internationale de Sardanistes, l’ « Aplec Internacional de la Sardana »

 

  Je ne saurais finir cet article sans évoquer le poète Louis Aragon qui ,ayant su à quel point la sardane était stigmatisée par le franquisme car trop identitaire et protestataire, rendit hommage à celle qui était devenue un symbole de résistance culturelle : La Santa Espina :

 

Santa Espina

Louis ARAGON

Recueil : "Le Crève-coeur"

Je me souviens d’un air qu’on ne pouvait entendre
Sans que le coeur battît et le sang fût en feu
Sans que le feu reprît comme un coeur sous la cendre
Et l’on savait enfin pourquoi le ciel est bleu

Je me souviens d’un air pareil à l’air du large
D’un air pareil au cri des oiseaux migrateurs
Un air dont le sanglot semble porter en marge
La revanche de sel des mers sur leurs dompteurs

Je me souviens d’un air que l’on sifflait dans l’ombre
Dans les temps sans soleils ni chevaliers errants
Quand l’enfance pleurait et dans les catacombes
Rêvait un peuple pur à la mort des tyrans

Il portait dans son nom les épines sacrées
Qui font au front d’un dieu ses larmes de couleur
Et le chant dans la chair comme une barque ancrée
Ravivait sa blessure et rouvrait sa douleur

Personne n’eût osé lui donner des paroles
A cet air fredonnant tous les mots interdits
Univers ravagé d’anciennes véroles
Il était ton espoir et tes quatre jeudis

Je cherche vainement ses phrases déchirantes
Mais la terre n’a plus que des pleurs d’opéra
Il manque au souvenir de ses eaux murmurantes
L’appel de source en source au soir des ténoras

O Sainte Epine ô Sainte Epine recommence
On t’écoutait debout jadis t’en souviens-tu
Qui saurait aujourd’hui rénover ta romance
Rendre la voix aux bois chanteurs qui se sont tus

Je veux croire qu’il est encore des musiques
Au coeur mystérieux du pays que voilà
Les muets parleront et les paralytiques
Marcheront un beau jour au son de la cobla

Et l’on verra tomber du front du Fils de l’Homme
La couronne de sang symbole du malheur
Et l’Homme chantera tout haut cette fois comme
Si la vie était belle et l’aubépine en fleurs

 



 

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