C’était l’été 2020.
Entre deux temps de confinement , outre de belles journées , l’été donnait l’occasion de quelques excursions. Sorrèze qui offre dans son Abbaye de magnifiques tapisseries évoquées dans mon blog Histoire d’une double v#2A087A2, cache dans un petit musée regorgeant de pièces rares, un brillant éventail d’objets futiles ou non, artistiques ou décoratifs, en verre coloré ou non, soufflé ou moulé ,ciselé, émaillé…
Certains portent des noms prestigieux, d’autres font un bond de vingt siècles dans le passé, d’autres plus proches de nous sont l’œuvre des Gentilshommes Verriers du Languedoc et enfin, plus contemporains, sont issus de manufactures ou d’artistes inspirés…Le musée occupe l’édifice d’un ancien hospice bâti sous Charles X et a été créé en 1996 par Yves Blanquière , passionné d’Histoire et du verre. Il offre aux regards des curieux plus de 1800 pièces de verre.
Le verre est un des premiers matériaux de synthèse élaboré par l’homme après les découvertes au cours des millénaires précédents, de la poterie, de la métallurgie du cuivre et du bronze. C’est au milieu du IV° millénaire av. J.-C., au Proche et au Moyen-Orient, qu’apparaissent les premières matières vitreuses sous forme de glaçure sur des briques, des amulettes, des perles.. Au cours des siècles les verres opaques des débuts laissent place aux verres translucides puis transparents et incolores . L’utilisation d’oxydes métalliques de fer, de cuivre, de cobalt, d’antimoine, permettra d’obtenir des couleurs variées et même très intenses.
Au cours de ma visite j’ai appris qu’une cinquantaine d’ateliers de verriers, ont fonctionné entre le I° et le VII° siècle de notre ère dans les régions boisées du sud du massif central, les arbres fournissant le bois nécessaire aux fours où s’opère la fusion des éléments constitutifs du verre.
D’étiquettes en étiquettes disposées dans les vitrines d’exposition, j’en ai su davantage sur le verre mais aussi sur l’organisation du Corps des Gentilshommes Verriers du Languedoc . La tradition situe le «privilège d’exercer l’art et science de verrerie sans déroger... » accordé par Louis IX, au retour de la 7° Croisade, en 1254.
La première Charte des verriers du Languedoc est fondée par les lettres patentes de Charles VII de 1445. Elle réglemente en 17 paragraphes leurs devoirs et leurs droits.
Au Moyen Age, les ateliers de verriers sont installés dans les massifs forestiers et reliés aux voies de communications par de simples sentiers ou chemins muletiers empruntés pour l’approvisionnement en silice et en soude végétale en provenance des étangs littoraux. Deux raisons majeures semblent déterminer ces localisations : d’une part les risques de propagation d’incendies dans les villes, d’autre part les difficultés d’approvisionnement en bois de chauffage.
Les Gentilshommes Verriers ont subi les événements qui marquent l’histoire du Sud de la France :
- L’épidémie de Peste Noire de 1348, qui éradique prés de la moitié de la population, et met à l’arrêt le commerce du verre très florissant.
- Les ravages de la guerre de Cent Ans (1337-1453) et son lot de misères
- Un siècle plus tard les persécutions des « Guerres de Religion » qui se traduisent pour les Gentilshommes Verriers par de nombreuses arrestations, le culte protestant ayant pris beaucoup d’importance parmi eux.
- Les persécutions cesseront définitivement avec l’autorisation du culte protestant et la reconnaissance de l’état civil en novembre 1787. Deux ans plus tard l’abolition des privilèges de la noblesse la nuit du 4 août 1789 signe la disparition du Corps des Gentilshommes Verriers.
Entre la fin du XVII° et le XIX° siècle les Verreries forestières du Bas et du Haut- Languedoc vont adapter leurs productions en fonction des demandes exprimées par leurs clients auprès des négociants en verre qui passent les commandes. Le musée est riche en exemplaires de ces objets ouvragés ou non qui remplissent bon nombre de vitrines .
Verres de circonstance , lampe à huile , boule à repriser, pichet
Le verre bleue vert est caractéristique du Languedoc
Mention spéciale est faite à Auguste Jean verrier d’art inventeur du verre métallisé (1877) aux irisations et nuances changeantes. Ses pièces sont de forme classique mais compliquée par des saillies et des reliefs obtenus par un travail de la masse vitreuse à la pince, à chaud, ce qui deviendra sa marque distinctive
Grâce à la générosité de donateurs et les achats du Musée les vitrines présentent vases Daum, Art Déco, Globes de Mariée qui , tour à tour ,ont été l’objet d’expositions thématiques .
Après avoir admiré le cristal étincelant de services de table, mes yeux se posent sur des créations rutilantes avant de contempler de luxueuses opalines.
Ce Musée recèle l’histoire condensée de 2000 ans de verrerie . Ces objets en verre , soufflés, moulés, pressés moulés correspondent à l’évolution de multiples besoins de la société dans des domaines aussi variés que les taches domestiques, la décoration , la religion… Deux heures de visite dans trois salles pour se rendre compte que les savoir-faire des Gentilshommes Verriers et les modes opératoires des Verreries forestières se perpétuent dans les groupes industriels et les ateliers d’artisans d’art toujours en activité. Belle transmission !
Transmission aussi de coutumes oubliées comme les « Globes de Mariée » qui furent objets d’une exposition en 2014 au Musée du Verre.
La vogue du globe de mariée apparaît à la moitié du XIX° siècle. La jeune mariée place sous globe de verre sa couronne, son bouquet, un bout de son voile et garde cet objet tout au long de sa vie matrimoniale en l’enrichissant au fil des ans de photos, rubans, fleurs séchées, souvenirs divers. Après la guerre de 14 cette pratique disparaît progressivement des familles modestes et le globe se retrouve au bout de deux ou trois générations relégué au grenier, jeté en décharge ou exposé dans une brocante. Par contre les globes luxueusement décorés, apanage des mariages bourgeois, font partie du patrimoine familial et sont bien conservés.
Le globe « garni » est un accessoire de mariage. Des commerces se spécialisent dans leur vente…
Les éléments décoratifs sont chargés de valeurs symboliques :
- La couronne de la mariée depuis la plus haute Antiquité a, par les fleurs qui la composent une valeur prophylactique.
- La fleur d’oranger du bouquet de la mariée symbolise par sa blancheur, la pureté de l’épousée.
- La colombe qui chapeaute le décor est associée, dans la tradition Judéo-Chrétienne, à la paix et à l’harmonie qui régneront dans le couple.
- Les miroirs disposés dans le globe ont une fonction magique car ils conjurent le sort et sont chargés selon leur forme de diverses significations :
- Triangulaire pour la fécondité
- Ovale comme porte-bonheur
- Losangique pour l’union des deux sexes
- Trapézoïdal pour l’entente parfaite
De même fleurs et feuilles qui font partie de la décoration ont toutes une dimension symbolique : le tilleul pour la fidélité, le chêne pour la longévité, la rose pour l’amour éternel, le géranium pour la droiture…le tout rehaussé de touches dorées associées à la fortune et au rayonnement du foyer !
Bibliographie
Globes de mariée en Haut Languedoc (N°40 des Cahiers de la Société Culturelle du pays castrais)
Article de Alain Riols 5 avril 2012 Extrait du catalogue Tranverre Musée/Centre d’art du verre.
Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol Les Cahiers de l'Histoire "Gentilhomms Verriers en Montagne Noire" article paru sur CDA Info n°26 -3° trimestre 2006
Crédits
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